La trahison énergétique
En validant le « projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte » présenté par Ségolène Royal, le conseil des ministres de ce mercredi 30 juillet 2014 marque à nouveau la volonté du gouvernement de favoriser l’illusoire capitalisme vert.
Alors que la crise écologique impacte durablement la crise économique et sociale, la nécessaire transition énergétique que la France devrait mettre en oeuvre de façon exemplaire, est renvoyée aux calendes grecques et celle qui nous est proposée envoie notre pays dans une impasse pour très longtemps. En effet, non seulement en imposant l’industrie nucléaire comme socle de son projet de loi,mais aussi en refusant que le parlement puisse avoir une voie décisionnelle sur 75% de la production d’électricité, le Ministère de l’écologie contredit ses déclarations d’intentions. En s’alignant sur les objectifs énergétiques et climatiques européens, le gouvernement masque par la sémantique un projet aussi peu ambitieux qu’inefficace.
Le Gouvernement prétend vouloir favoriser la transparence, la démocratie, la sobriété et l’efficacité énergétique, l’indépendance énergétique de la France et le volontarisme de l’État. Mais en même temps, depuis le début de la mise en place du Débat National sur la Transition Énergétique il interdit tout débat sur le nucléaire pour satisfaire les lobbies, propose une programmation pluriannuelle de l’énergie à 5 ans totalement inadaptée à l’inertie de l’industrie nucléaire, privatise la gestion des concessions hydro-électriques, sous-traite de plus en plus les activités dangereuses des Installations Nucléaires de Base sans même prévoir un volet protégeant ses ouvriers précaires, favorise la consommation d’électricité en promouvant une illusoire « voiture électrique propre » et laisse aux choix des particuliers et de leurs moyens financiers l’une des principales sources d’économies d’énergies : l’efficacité énergétique des bâtiments. En réalité, le secteur du transport est totalement laissé à l’abandon d’une vision passéiste et sans ambition.
Au final, ce projet de loi n’est pas à la hauteur de l’urgence écologique et de la bifurcation dont notre société a besoin. Comment, en effet, une politique de l’offre fondée sur une consommation toujours plus grande peut-elle être compatible avec la sobriété et l’efficacité énergétique dont nous avons besoin ? Comment considérer l’électricité nucléaire comme propre alors qu’elle engendre des risques et des pollutions à très long terme que le gouvernement refuse de considérer à sa juste dangerosité, et qu’elle incite à une surconsommation et aggrave ainsi la précarité énergétique des ménages ? Comment considérer qu’elle assure à la France une indépendance énergétique alors qu’elle nécessite l’extraction de minerais hors de notre territoire national ? Et surtout, comment imaginer une seconde que le financement de la transition écologique puisse être effectif alors que le ministère de l’écologie, sous Hollande comme sous Sarkozy est l’un des principaux touchés par l’austérité. Les spéculateurs et les financiers pourront laisser libre court à leur imagination.
Même drapée dans une volonté de développer les Énergies renouvelables et la rénovation thermique, et ornée d’un « chèque énergie » (pis-aller pour les revenus les plus faibles), ce projet de loi condamne la France à une dépendance au nucléaire pour plus d’un siècle.
La bifurcation écologique à opérer est d’ampleur, elle nécessite une vision politique de long terme, un projet ambitieux d’écosocialisme décliné en une planification écologique d’envergure, reconsidérant nos modes de consommation et de production, nos déplacements et l’étalement urbain, remettant en cause le productivisme et l’extractivisme qu’ils nécessitent, afin de permettre de sortir de la crise sociale et environnementale mondiale dans laquelle le capitalisme vert nous entraîne sournoisement.