Hommage à Bruno Leprince
Notre camarade et éditeur Bruno Leprince nous a brutalement quitté jeudi 21 août sur le point de nous rejoindre au Remue-Méninges du PG comme chaque année. Voici le texte d’hommage à Bruno prononcé par Laurent Maffeïs lors de ses obsèques mardi 26 août au Père Lachaise, en présence de Jean-Luc Mélenchon et d’une centaine de militants du PG venus de toute la France.
Chère Hafida, chère Sophie, cher Gaëtan,
et toute la famille de Bruno,
Chers Amis, chers Camarades, chers Frères et Sœurs,
Nous avons tous perdu une part de nous-même avec le départ de Bruno.
Je veux vous parler à cet instant de l’engagement militant de Bruno. Et de son métier.
Pour dire l’immense reconnaissance du Parti de Gauche, de ses militants et de son fondateur Jean-Luc Mélenchon envers Bruno, notre camarade.
Car en dépit de sa discrétion connue de tous, Bruno était un homme public. Et même une personnalité de la gauche française. Il a d’abord marqué le mouvement socialiste. Avant de s’engager, par fidélité au socialisme et à la République, dans la voie de l’autre gauche.
J’ai eu la chance de me trouver au carrefour de son engagement politique et de son travail d’éditeur.
Bruno était un discret qui rayonne. Il a éclairé la vie de ceux qui l’ont connu directement. Mais aussi la vie de milliers d’autres à travers son audace éditoriale.
Il était là dés la gestation du Parti de Gauche, en ayant eu le courage de publier à l’été 2008, presque personne ne s’en souvient, la dernière contribution de Jean-Luc Mélenchon et d’un millier de nos camarades au Parti socialiste. Ça s’appelait Trait d’Union. Quelques mois auparavant, il s’était aussi fait remarquer en publiant une Réplique argumentée de Jean-Luc Mélenchon au discours de Latran de Nicolas Sarkozy.
Si je mentionne ces deux ouvrages, c’est qu’ils expriment deux convictions essentielles de Bruno : l’ancrage de la gauche dans l’idéal révolutionnaire et son attachement absolu à la laïcité.
Très engagé et militant, Bruno n’était pas un homme de parti. Il était totalement tourné vers la société, et n’aimait pas trop les réunions et débats internes. Ces dernières années, en dépit des déceptions à gauche, il avait retrouvé le goût de la politique. Le goût des idées qui deviennent des forces matérielles, comme disait Marx. Et il ne faisait pas les choses à moitié. Il a passé toute la campagne présidentielle sur les routes avec nous, pour diffuser nos livres derrière des tables militantes, avec Hélène Magdo, toujours fidèles au poste.
Editeur militant, véritable instituteur du peuple, il déplorait la dévaluation de l’écrit en politique. Il savait que l’action politique est d’abord et avant tout une action culturelle. Un camarade m’a dit ce matin qu’un homme qui meurt c’est une bibliothèque qui brûle. C’est encore plus vrai pour Bruno qui avait une culture immense. Mais ses livres sont là, pour longtemps. Car il travaillait pour le temps long, à faire des documents de référence non périssables.
Il a ainsi fait revivre des textes inédits de Jaurès. Il savait aussi faire naître des vocations d’auteur chez ceux qui n’avaient jamais écrit de livre. Il a ainsi permis de traduire des luttes en livres, en digne héritier de Medvedkine ou d’Aragon. Il aimait aussi publier des guides pratiques pour changer la vie à tous les niveaux. Editeur artisan et artiste, Bruno avait mille cordes à son arc : livre politique ou historique, livre de dessins ou de photos mais aussi livre érotique ou ésotérique.
Tout ça était magique. Et révolutionnaire. Avec Bruno nous avons fait des choses que je n’aurais jamais crues possibles au départ, moi qui ne connaissais rien à l’édition. 60 livres en 4 ans ! Sans parler de tous les projets en cours. Tout ça dans un souci démocratique permanent. Et avec le goût du beau. La beauté, Bruno la cultivait non seulement comme éditeur mais aussi comme peintre, poète, cuisinier, marin. Il aimait la douceur des matins calmes comme la puissance des grandes marées. Bruno était un artiste, et comme tous les artistes, une sorte de magicien.
Sa vie était une alchimie mêlant discrétion et charisme. C’est ce qui lui a permis de construire une œuvre à la fois personnelle et collective.
Avec des centaines d’auteurs, qui sont nombreux ici.
Avec nos fidèles associés, Jean Le Garrec, Antoine de Villoutreys, Bernard Pignerol.
Avec des artisans et des artistes de l’imprimerie et du dessin, comme Luciano Cavaletto ou Dobritz.
Tout ça n’aurait pas été possible non plus sans Hafida, Sophie, Gaetan et leur mère Monique qui partageaient sa passion des livres.
Ni sans les militants enfin qui aidaient à leur diffusion.
Bruno nous a tous fait grandir en humanité.
Il a changé nos vies.
Il nous a tant appris.
A nous d’être capable maintenant de continuer son œuvre.
Celle notamment du livre d’éducation populaire.
Ainsi nous contribuerons à ce que les Lumières, dont Bruno était un fils, ne s’éteignent jamais.