Le débat sur le devenir de la Sécurité sociale est un des enjeux des élections présidentielle et législatives. Cet acquis du Conseil National de la Résistance, si bien raconté dans le film « La Sociale » de Gilles Perret, est plus que jamais remis en cause par nombre de programmes.
C’est tout d’abord le candidat Fillon, victorieux de la primaire de la droite et du centre, qui a lancé l’attaque en promettant de réserver à l’assurance maladie « la couverture des affections graves ou de longue durée » tandis que les assurances complémentaires prendraient en charge les maladies plus courantes. En réservant ainsi les « grands risques » à l’assurance maladie, Fillon limite les grandes dépenses solidaires de santé aux traitements les plus onéreux et permet aux assurances de s’offrir la part du lion en contraignant tout le monde à cotiser auprès d’elles pour les « petits risques », sans les exposer à des coûts plus importants. C’est une remise en cause sans précédent de l’ensemble de l’équilibre global du modèle de la Sécurité sociale et un projet qui consiste à privatiser la Sécu pour le plus grand bonheur du secteur lucratif assurantiel. Henri de Castries, ex-patron de l’assureur Axa et un des très proches conseillers du candidat Fillon, défend ainsi ses intérêts en façonnant dans le programme de son poulain son juteux marché à venir. Depuis que le candidat aux primaires est devenu candidat tout court à la présidentielle, il semble vouloir rétropédaler dans sa communication programmatique… Mais nous pouvons hélas faire confiance à cet ultralibéral à qui l’on doit les lois de 2003 et 2010 sur les retraites pour poursuivre son oeuvre de destruction de notre modèle social.
Fillon n’est pas le seul candidat de l’oligarchie. L’ancien directeur d’Axa ne met pas tous ses oeufs dans le même panier. Pour garantir ses intérêts futurs, celui qui est également le directeur de l’Institut Montaigne, dans sa grande générosité, a bien voulu héberger le mouvement « En Marche » d’Emmanuel Macron à la même adresse que le Think Thank bien libéral qu’il préside. Sur la forme, Macron veut faire croire qu’il prend le contrepied de Fillon, en déclarant qu’il ne retranchera aucun droit et préservera les remboursements santé de la Sécu. Mais il entend supprimer les cotisations maladie et chômage, en reprenant le discours libéral sur le « coût du travail dû aux chaaarges » pour y substituer une hausse de la Contribution Sociale Généralisée (CSG). La CSG reposant à 90% sur les salaires et non le capital, une telle mesure ne change en rien la proportion capital/travail dans le financement de la Sécurité sociale. Le gain en termes de pouvoir d’achat ne dépassera pas 250€ par an pour une personne au SMIC. Mais surtout, c’est une remise en cause du modèle solidaire de la Sécurité sociale reposant sur les salaires et devant être géré par les salariés eux-mêmes. En finançant l’assurance maladie par la CSG, Macron s’attaque à la gestion paritaire de la Sécu, puisqu’en tant que financeur principal, l’État pourrait dire « c’est à moi de gérer » et écarter ainsi les syndicats de la gestion. Sa mesure de fait provoquera une fiscalisation complète de la Sécu au mépris du projet des résistants fondateurs.
Le candidat Valls peut-il réellement se targuer comme il le fait d’avoir été le Premier ministre qui a sauvé la Sécu en comblant son fameux « trou » ? Le bilan est bien plus sombre que cela. Au lieu de revenir sur toutes les exonérations de cotisations sociales patronales qui ont fait chuter les recettes de la Sécu, le quinquennat Hollande est celui de la poursuite aggravée de la casse de l’hôpital public (fermetures d’hôpitaux, de services, « virage ambulatoire » écourtant les durées d’hospitalisation, etc.) avec les conséquences que l’on connaît : dégradation de l’accès aux soins, augmentation des personnes renonçant aux soins et souffrance au travail poussant au suicide le personnel hospitalier. Pire, le choix de généraliser les complémentaires santé a accéléré la marchandisation de la santé.
Mais que propose la candidate Le Pen ? Qu’on ne s’y méprenne pas. Si elle attaque Fillon et ses liens avec le PDG d’AXA, elle déroule finalement un discours libéral des plus classiques, défendant la baisse des cotisations sociales sur les bas salaires. Non seulement ce genre de mesure encourage les employeurs à maintenir les salaires à un niveau bas par effet d’opportunité, mais il grève les recettes de la Sécu tout comme le défend Macron. Elle prétend compenser les pertes de recettes par une taxe sur les importations. Outre le fait que cette mesure peut probablement être censurée par le Conseil constitutionnel et sera très difficile à mettre en pratique, elle ne serait pas suffisante pour combler le manque à gagner. Il faudrait donc baisser les remboursements et porter atteinte une nouvelle fois à la protection des plus fragiles…
Le programme de la France Insoumise porté par Jean-Luc Mélenchon, défend une Sécu à 100%. Cela signifie d’abord rembourser à 100% les soins prescrits. Soit un médicament est efficace, soit il ne l’est pas. Quel est le sens de réduire les remboursements à 35% ? La création d’un pôle public du médicament permettrait d’identifier en toute indépendance des laboratoires, les médicaments devant être remboursés intégralement. Une Sécu à 100%, c’est aussi la construction d’un nouveau statut protecteur pour les salariés : la Sécurité sociale intégrale, garantissant une continuité de revenus pour toutes et tous. C’est également permettre aux indépendants, aux artisans, aux commerçants, à toutes celles et ceux qui subissent le RSI, de réintégrer le régime général de la Sécurité sociale. Comment financer cela ? En commençant par supprimer toutes les exonérations aux cotisations que les gouvernements successifs ont accordées au patronat ; en s’opposant à l’ubérisation qui permet aux plateformes de s’exonérer de leurs devoirs d’employeurs ; en instaurant l’égalité salariale entre femmes et hommes ; en régularisant les travailleurs sans papiers ; en menant une politique résolument tournée vers l’emploi, répondant aux besoins sociaux et aux impératifs de transitions écologiques. Rappelons que les assurances complémentaires constituent ni plus ni moins que des « impôts privés » qui, par ailleurs, ont des frais de fonctionnement colossaux. Réintégrons-les dans la Sécu à 100% ! Concernant la CSG, elle doit être refondée, non seulement pour être basée sur une logique de progressivité, mais aussi pour que les recettes qui en découlent soient bien fléchées et sanctuarisées pour contribuer au financement de la Sécu. Cependant, le financement de la Sécurité sociale doit d’abord et avant tout rester basé sur les cotisations du travail. Il est urgent de revenir aux élections dans la Sécurité sociale pour restaurer la démocratie sociale, impliquer les travailleur-euse-s et citoyen-ne-s et repenser le paritarisme afin que l’on cesse de donner tant de pouvoir au patronat !
Notre objectif primordial est d’améliorer la santé pour toutes et tous et partout. Cela n’est possible qu’en abrogeant les lois antérieures de casse de l’hôpital public, en luttant contre les déserts médicaux et en abolissant les dépassements d’honoraires. Selon un sondage Harris Interactive pour LCP publié en début de semaine, plus de trois Français sur quatre estiment que les propositions sur la santé seront un critère de vote « déterminant » à l’élection présidentielle. Invités à dire si les divers candidats, potentiels ou déclarés, pourraient « proposer de bonnes solutions concernant le système de santé » une fois élus, seul un quart (26%) répond par l’affirmative pour François Fillon et Marine Le Pen, 33% pour Manuel Valls et Emmanuel Macron, contre 38% pour Jean-Luc Mélenchon.
Ce n’est qu’un sondage, mais poursuivons sans relâche la bataille autour du programme !
« La sécu, elle est à nous ! On s’est battu pour la gagner, on se battra pour la garder ! »