Cette fin d’année est à l’image de ce qu’aura été 2016. Autrement dit ce sont plutôt les mauvaises nouvelles qui se sont accumulées ces derniers jours.
En France, François Hollande débarrassé de toute préoccupation électorale, poursuit la politique qui aura été la sienne pendant cinq ans. Prétextant une situation économique incertaine, il s’en prend une fois encore au prix du travail. C’est le SMIC qui en pâtit : il n’augmentera que dans la limite stricte de la formule légale d’indexation soit, cette année, +0,93 %. Deux millions de personnes, des employés et ouvriers, dont 2/3 de femmes, verront ainsi leur salaire horaire augmenter de 10 centimes d’euros (9,76 euros). Même plus le prix d’un carambar… Le SMIC est ainsi porté à 1480 euros brut par mois pour 35 heures travaillées. Et encore pas pour 43 % des smicards qui sont à temps partiel (contre 11,5 % de l’ensemble des salariés). Au cours de son quinquennat Hollande n’aura donc jamais donné de coup de pouce au SMIC. Une autre première antisociale pour un gouvernement de « gauche ». Là encore il aura réussi à faire pire que son prédécesseur : le SMIC aura augmenté de 6 % soit presque deux fois moins que sous Nicolas Sarkozy. Et pourtant, dans le même temps, Hollande aura fait profiter les entreprises d’exonérations de cotisations sociales sur les plus bas salaires : « grâce » à lui, employer un « smicard » ne « coûte » plus que 85 euros de cotisations patronales. Bref, s’il n’y pas de « coup de pouce » donné au SMIC ce n’est pas qu’il coûterait trop cher aux entreprises comme le serine le Medef. C’est simplement pour le gouvernement une manière d’envoyer un signal par le seul levier légal en sa possession : pas question de répit dans la politique de déflation salariale.
En cette fin de Hollandie, le Capital, lui, continue à bien se porter. Et à coûter cher au pays. Il est toujours pédagogique de comparer les chiffres. Voilà un exemple : pendant que le SMIC aura augmenté de 6% en cinq ans, le gouvernement accordait plus de 50 milliards de cadeaux sans contrepartie aux entreprises (CICE plus allégements de charges) au détriment du revenu des ménages. Un autre, tout aussi vertigineux : alors que le SMIC progressera de 0,93 % le 1er janvier, les entreprises du CAC40 auront versé quelques 47 milliards de dividendes en 2015 soit une augmentation de + 12,4 %. Cela fait de la France la championne d’Europe en la matière. L’année 2016 s’annonce meilleure encore : près de 4,5 milliards de dollars de dividendes ont déjà été reversés aux actionnaires pour le seul premier trimestre. C’est bien simple, pendant que le SMIC progressait de 6 % sous Hollande, les dividendes ont, eux, été multipliés par deux. La récompense d’une économie florissante ? Même pas puisque le chiffre d’affaires des mêmes entreprises du CAC 40 a baissé en 2015. Qu’importe, la rente se paye malgré tout sur la bête. Ce paradoxe dit tout : on juge impossible d’augmenter les revenus du travail en raison d’une économie jugée encore trop fragile, on se permet d’augmenter ceux du capital non investi malgré le risque de récession.
Cela ne pourra pas marcher bien longtemps. La crise des subprimes a rappelé que l’économie boursière finit par être rattrapée par l’économie réelle. Or les mêmes éléments, activés par la politique de l’offre, sont toujours bien en place. L’OIT s’en inquiète d’ailleurs en constatant à la fois l’atonie des salaires dans le monde (+ 0,9 % si on met à part l’exception chinoise avec +6,9 %), la chute maintenue de la part de ces salaires dans le PIB et une augmentation des inégalités puisque 10 % des salaires les plus élevés concentrent une bonne part de ces augmentations. Ces chiffres finissent même par alerter les plus lucides des libéraux. Voilà sans doute pourquoi plusieurs pays ont rétabli ou augmenté le niveau de leur salaire minimum cette année dont l’Allemagne, mais aussi l’Angleterre. Pas la France, dont le candidat de la droite libérale pour les élections présidentielles, François Fillon, propose d’enfoncer plus encore le pays dans la voie du Thatchérisme au moment où les pays qui l’ont vu s’imposer prennent des distances.
Cette semaine aura malheureusement été aussi un condensé de l’année car dans l’actualité cette question sociale a dû laisser place rapidement au terrorisme. L’attentat de Berlin, revendiqué par EI, a rappelé que si l’organisation djihadiste était en passe d’échouer dans son projet géopolitique, à savoir la constitution d’un grand califat politico-religieux effaçant définitivement les frontières héritées des accord Sikès-Picot, elle n’en reste pas moins extrêmement dangereuse. Pour la menace terroriste qu’elle fait planer bien sûr, mais aussi par son objectif essentiel : susciter une fracture dans nos sociétés, une véritable guerre des religions. Les réactions de l’extrême-droite, voire la droite, en Allemagne comme en France après ce nouveau massacre favorisent ce dessein. A une autre échelle, plus inquiétante, Donald Trump reprend le discours sur le choc des civilisations le plus brutal en donnant une seule clef de lecture : la guerre des djihadistes ciblerait le monde chrétien. Du pain béni pour ceux dont les premières victimes ont d’abord été, et restent, il faut le rappeler, d’autres musulmans. Tout indique malheureusement que la présidence Trump mettra en pratique ces déclarations. Plusieurs généraux, classés parmi les « faucons » du Pentagone, émargeant dans son futur cabinet sont là pour le rappeler. En son sein on ne compte plus également certains des éléments les plus conservateurs de la politique américaine de ces dernières années en matière de remise en cause de l’avortement, d’homophobie, de xénophobie et de racisme particulièrement contre les musulmans. Quant au pseudo profil anti-système financier du candidat Trump ,il ferait sourire si l’affaire n’était pas si grave : le monde de la finance et du lobby pétrolier est entré directement à la Maison Blanche. France Inter rappelait que les 17 membres du cabinet Trump cumulent plus de richesses qu’un tiers des habitants des Etats-Unis ou que le PIB des 70 pays les plus pauvres de la planète. On y trouve notamment trois dirigeants de la banque américaine Goldman Sachs et Carl Icahn, investisseur activiste de Wall Street au poste de « conseiller spécial » en charge de la régulation financière ! Quand au lobby pétrolier il est puissamment représenté par Rex Tillerson, PDG du géant pétrolier ExxonMobil, et le climato-septique Scott Pruitt, bras armé des compagnies pétrolières, à la tête de l’Agence américaine pour l’Environnement.
Il est à craindre que les quelques mesures environnementales prises par Obama depuis huit ans, dont la dernière décision d’interdire tout nouveau forage pétrolier et gazier dans les eaux américaines afin de sanctuariser l’Arctique, ne soient sacrifiées. C’est dire également que la politique des Etats-Unis au Proche-Orient restera plus que jamais reliée aux intérêts de ses compagnies pétrolières.
Devant ces menaces, un tableau dans lequel on aurait tort d’oublier que les autres puissances agissent au Proche-Orient au nom d’intérêts tout aussi pétroliers – prenons par exemple l’alliance de fait entre la Russie et l’Iran – c’est plus que jamais une politique indépendantiste, rompant sur l’alignement sur l’OTAN et les Etats-Unis, qui rendrait une France au service de la paix, utile et de nouveau écoutée. Toute autre orientation ne fera qu’accompagner, voire aggraver, le cours dangereux pris par l’humanité.
C’est à la hauteur de ces enjeux qu’il faut mesurer l’importance de la candidature de Jean-Luc Mélenchon en 2017. L’impressionnant succès de son déplacement en Guadeloupe et à Martinique est de ce point de vue une des bonnes nouvelles de cette fin d’année. La politique de rupture en matière de partage des richesses, de transition énergétique ou d’une autre voie internationale pour la paix, pour ne prendre que les sujets traités ici, qu’il propose au pays est la seule raisonnable. Elle est la seule réaliste, la seule à même d’espérer de 2017 de meilleurs nouvelles qu’en 2016. Voilà les vœux que nous pouvons nous souhaiter pour l’an prochain.
Eric Coquerel
Co-coordinateur politique