Marine le Pen rêve d’un adversaire. Elle l’a même fixé le week-end dernier lors de son entrée en campagne à Lyon : Emmanuel Macron. Il est vrai que Marine Le Pen aime la mauvaise dépression qui souffle depuis l’autre côté de l’Atlantique. Elle s’identifie donc à Donald Trump face à Clinton/Macron. Un protectionnisme xénophobe, haineux et violent contre le symbole du libre-échangisme. Elle aspire évidemment au même scénario. Oui mais voilà, en France Bernie Sanders est toujours en course. Il s’appelle Jean-Luc Mélenchon et offre une troisième issue au scrutin du printemps prochain.
Voilà le résumé du week-end dernier. La capitale des Gaules a vu et entendu trois visions distinctes proposées au pays. On peut en définitive les résumer à trois règles : la règle brune des fascistes, la règle d’or des libéraux, la règle verte des républicains sociaux et écologistes.
Aux naïfs qui identifient deux lignes – l’une dure, l’autre modérée – au FN pour mieux dé-diaboliser « Marine », cette dernière a répondu par un discours se vautrant dans l’infâme brouet raciste et xénophobe de son père. Elle propose de constitutionnaliser la préférence nationale. On en connaît la première concrétisation : l’école rendue payante pour les enfants d’immigrés. Mais en réalité ce sont tous les aspects de la vie sociale qui verraient ainsi les étrangers discriminés et renvoyés à un sous-statut permanent : sous citoyen, sous travailleur, sous élève, sous homme en réalité. Elle ne s’arrête pas là puisqu’elle rappelle sa volonté d’instituer le droit du sang. Ce sont donc en réalité plus de 11 millions de personnes vivant aujourd’hui en France qui se retrouveraient ainsi soumis à l’opprobre et à des mesures inégalitaires. On est au moins prévenu : non seulement l’application de la préférence nationale obligerait la France à dénoncer la plupart des conventions internationales signées en matière de droit de l’enfant, des travailleurs ou de l’homme tout simplement, mais Marine le Pen tournerait ainsi le dos aux principes républicains. Jamais les bases de la nation et de la protection qu’elle propose aux français ne sont apparues aussi évidentes : ethniques, purificatrices, divisant le peuple et les pauvres sans bien sûr remettre en cause d’aucune manière le système qui, lui, les exploite sans faire de distinction. Pour preuve, ses mesures économiques qui reprennent tous les ingrédients de la politique de l’offre sans remettre en cause l’austérité. La règle brune du FN est raciste et antisociale.
Emmanuel Macron essaie lui de camoufler la politique subie sans discontinuité par le pays depuis dix ans par une « modernité » anti-système. Cela sonne faux comme sa voix de fausset. L’écart est si grand entre la forme et le fond que ses moulinets ne devraient pas donner le change longtemps. Mais vu la promotion que lui fait le système et l’accident nucléaire qui a légitimement frappé Fillon, ce qui lui libère d’autant plus de place du côté des partisans du statu quo libéral, on ne peut jurer de rien. Emmanuel Macron c’est en effet la dévotion à la règle d’or des libéraux : austérité, compétitivité, dérèglementation et concurrence à tous les étages dans le cadre d’un libre-échange généralisé.
Devant 18 000 personnes, 12 000 à Lyon et 6 000 à Aubervilliers grâce à son hologramme, Jean-Luc Mélenchon a indiqué un autre cap. La confiance dans le peuple et dans les véritables élites de notre pays (ouvriers, ingénieurs, chercheurs, enseignants, marins, paysans, producteurs de richesse réelle…) pour ouvrir de nouvelles frontières. A rebours du déclinisme libéral et de l’obscurantisme du FN, Jean-Luc Mélenchon offre la vision d’une France jamais si forte que lorsqu’elle promeut les valeurs universelles de sa révolution. Au libre-échange des libéraux, source de concurrence et de conflits entre les peuples, Jean-Luc Mélenchon oppose une protection. Mais il le fait à partir d’une taxation sur des critères sociaux et écologiques dont la première vertu est, à l’inverse, de provoquer une élévation par le haut des conditions de vie sur la planète. Gouvernée sur ces principes, la France opposerait au libre-échange une politique de coopération et de contractualisation sur des bases nouvelles, respectueuse de l’environnement et des intérêts et des droits de chaque peuple à une souveraineté alimentaire et industrielle, à commencer par ceux du sud. Et dont pour le coup le seul adversaire serait le capitalisme financier dont la soif toujours plus grandissante – et inutile à la collectivité – de richesses constitue une mise en danger de l’humanité. La règle verte que Jean-Luc Mélenchon propose de placer dans la Constitution de la 6ème République pour soumettre les activités économiques au respect de la seule dette qui vaille pour l’avenir, la dette écologique, est le symbole de sa candidature, celle du progrès humain, du partage des richesses et de l’intérêt général.
Trois règles, trois visions du monde entre lesquelles les Français-e-s sont appelé-e-s à choisir. Est-ce à dire que l’élection présidentielle va se résumer à ces trois candidat-e-s ? Non. Mais tout indique que nos concitoyens chercheront des choix clairs et cohérents. Les électeurs de droite qui ont participé à la primaire des « Républicains » ont dégagé le passé, Nicolas Sarkozy, et fait un choix très à droite. Ceux ayant choisi de participer à la primaire du PS ont en quelque sorte donné les mêmes signaux à gauche en dégageant Valls. Quand à ceux, bien plus nombreux, qui aujourd’hui, profondément désorientés, ne savent même pas s’ils voteront, ils ne s’engageront pas en faveur des « ambigus ».
C’est tout le problème de Benoît Hamon qui reste au milieu du gué. Il dit vouloir discuter d’une majorité gouvernementale sans limiter cela à une discussion entre « appareils » ? Sur le papier l’idée n’est pas saugrenue. Mais il le fait en proposant de partager avec lui le fardeau de l’actuel PS et des responsables du quinquennat Hollande. Qu’il s’en dégage et on pourra alors discuter programme. Où, là encore, Benoit Hamon reste au milieu du gué. S’il reprend de larges pans – et c’est tant mieux – de nos principes écosocialistes, il se déclare pour la 6e République mais omet la Constituante ; il part de l’idée très libérale qu’il n’y aurait plus assez de travail pour tout le monde alors que le programme l’Avenir en commun priorise le partage des richesses et la répartition du temps de travail associée à une sécurité sociale intégrale ; il renâcle, en matière de politique internationale, à une vision vraiment indépendantiste de la France. Mais, surtout, il propose finalement de nous ramener à la voie sociale-démocrate en matière de l’Union Européenne en ne se donnant aucun moyen réel pour la transformer. A l’inverse nous pensons que la seule chance de sortir des traités tous ensemble pour reconstruire une Europe du progrès humain implique de mettre sur la table qu’en cas d’échec nous le ferons uniquement avec les pays qui le veulent (notre Plan A / Plan B). Tout cela pourrait finalement se résumer à un rappel : c’est sur le respect de la souveraineté populaire qu’est née la gauche il y a plus de 200 ans, c’est en lui redevenant fidèle qu’elle reprendra tout son sens. C’est aussi la marque de la candidature de Jean-Luc Mélenchon dans une élection où plus que jamais tout est ouvert. Et que nous pouvons
plus que jamais gagner.