Hamon semble vraiment avoir fermé la porte. On apprend de son entourage par médias interposés qu’il ne répondra pas à la lettre de Jean-Luc Mélenchon. Derrière ce spectacle affligeant, ce qui est en jeu n’est pas une « guéguerre des égos » comme certains voudraient le faire croire, mais bien des désaccords et un choix politiques. Après avoir réchauffé la vieille promesse incantatoire du PS d’un Parlement de la zone Euro et annoncé qu’il n’abrogerait pas la loi El Khomri, le candidat victorieux de la primaire du PS semble décidé à ne rester que le candidat du PS, sous la pression d’un Cambadélis et de l’ensemble de la Solférinie. Entre Macron et Mélenchon, il faut pourtant choisir. Le ministre Stéphane Le Foll déclarait hésiter en ce début de semaine, entre soutenir Hamon ou Macron pour éviter un second tour Le Pen / Fillon. Ce genre de déclaration résume bien le piège dans lequel la candidature de Hamon se laisse enfermer. Une campagne n’est pas une addition arithmétique de contraires. Pour créer une dynamique et battre le FN et les libéraux, le peuple a besoin de clarté.
Il l’avait pourtant promis. Sitôt désigné par la primaire, Benoît Hamon s’empresserait de prendre contact avec Jean-Luc Mélenchon pour rassembler « la gauche ». Son agenda chargé lui a laissé le temps de rencontrer le premier ministre Bernard Cazeneuve, le Président Hollande, mais pas d’honorer encore la proposition de café de notre candidat Jean-Luc Mélenchon. Dont acte. L’ardeur, ça compte ! Oui, l’unité est un combat, mais c’est un combat de clarification. Après avoir publié une vidéo à l’adresse de Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon a pris de nouveau les devants et a sorti son agenda lors de son meeting à Strasbourg en proposant des dates de rencontre. Ce vendredi il a adressé une lettre au candidat socialiste afin de préciser les garanties nécessaires pour rassembler et fédérer une majorité du peuple et appliquer un programme de rupture.
Mais ce weekend les masques semblent bien être tombés.
Benoît Hamon choisit tout d’abord de se rendre samedi au Portugal, pour prendre en exemple la coalition de gauche au pouvoir et présenter son orientation relative aux questions européennes. Coalition rouge, rose et verte au Portugal ? Pas si simple. Le PS y gouverne en réalité seul. Nos amis du Bloco leur ont certes permis au parlement d’accéder au pouvoir, mais ont refusé de gouverner avec eux. Benoît Hamon choisit d’y faire son annonce européenne : la vieille promesse du PS d’un Parlement de la zone Euro a donc été de nouveau réchauffée. Elle figurait d’ailleurs dans une résolution présentée par le libéral socialiste Christophe Caresche et adoptée par l’Assemblée nationale en janvier 2016. La « refondation » de l’Europe version Hamon reste donc bien dans les clous du PS, ceux de la soumission à l’indépendance de la BCE. La dirigeante du Bloco a d’ailleurs déclaré ce weekend que cette proposition n’aurait aucune chance d’être adoptée dans l’Union européenne d’aujourd’hui, et a réaffirmé leur implication dans les sommets internationalistes du plan B dont le premier fut initié par le Parti de Gauche au lendemain du coup d’Etat financier en Grèce et dont le prochain aura lieu à Rome les 11 et 12 mars avant, sans doute, Lisbonne justement. Hamon a de fait répondu à une des garanties présentées dans la lettre de Jean-Luc Mélenchon : la nécessité d’un bras de fer avec les institutions européennes au travers de la méthode du plan A et du plan B. Il a ainsi réaffirmé son refus de toute rupture avec le carcan austéritaire des traités européens. Pourtant, rappelons-le avec pédagogie sans relâche : dans le cadre des institutions et traités européens, aucun programme de transition écologique ambitieux, de défense des services publics, de relance de l’activité par l’investissement, de redistribution des richesses n’est possible.
Le semestre européen imposera d’emblée au prochain gouvernement d’élaborer un budget conforme aux exigences de Bruxelles, de la fameuse règle d’or de l’équilibre budgétaire et de la limite des 3% de déficits publics. Il en sera de même que précédemment sur les réformes structurelles exigées relatives à la déréglementation du code du travail et de la protection sociale, et à la mise en concurrence des services publics. Nous, nous sommes convaincus de la nécessité d’un bras de fer. Un plan A de désobéissance aux traités proposant une sortie collective et leur renégociation de fond en comble. Un plan B qui assume en cas d’échec des négociations une sortie de la zone euro, avec en perspective la construction de nouvelles coopérations avec les pays qui seront sur la même position. Notre méthode s’adosse à la souveraineté populaire. Au peuple de trancher par référendum si l’aboutissement des négociations est acceptable ou si la rupture est nécessaire pour appliquer notre politique. Et ce référendum, avec le plan B en issue possible, est un élément déterminant du rapport de force à construire y compris au service de la possible réussite du plan A, et préférant in fine la sortie unilatérale des traités et de la zone euro au renoncement à la souveraineté.
Ce dimanche, Benoît Hamon déclarait sur LCI qu’il n’abrogerait pas la loi El Khomri. C’est pourtant un engagement essentiel sur lequel il avait mené campagne dans la primaire. Le rétropédalage est plus que conséquent, et ne saurait être noyé dans la promesse bien floue d’une nouvelle loi travail. Le coup du Bourget fut donc rapide ! Benoît Hamon renonce déjà à la promesse fondamentale qui lui valut sa désignation comme candidat : abroger la mesure la plus emblématique du gouvernement Hollande-Valls, qui provoqua un mouvement social et citoyen si conséquent, l’unité de 70% des françaises et des français contre elle…
Ce lundi, on nous annonçait un accord scellé avec le candidat Yannick Jadot d’EELV. Mais le déplacement public commun à Bure initialement prévu se transforme en déjeuner privé dont il ne ressort rien. Et pour cause. A EELV aussi, il leur semble problématique d’envisager un accord programmatique tout en gardant la brochette de ministres responsables du calamiteux quinquennat ! Il ne s’agit pas de « couper des têtes » comme le dénigrait Benoît Hamon, mais d’un bon sens d’efficacité. Comment croire qu’une majorité au Parlement, constituée par la reconduction des ministres et député-e-s d’hier, accepterait d’abroger les lois phares qu’elle a elle-même portées ? Comment croire que d’un coup d’un seul, le peuple aujourd’hui motivé à « dégager » le gouvernement Hollande-Valls, se précipiterait demain dans l’amnistie de ces ministres ou serait subitement frappé d’amnésie ? On ne peut tourner la page avec celles et ceux qui l’ont écrite !
Les élections présidentielle et législatives sont étroitement liées. Une élection n’est pas un exercice de simple addition de « paquets de voix ». Tandis que Benoît Hamon semble plus préoccupé par le prochain congrès du PS, une partie de ce vieil appareil s’apprête à lui demander son retrait demain au profit de Macron, au nom de l’éternel « vote utile » face au FN. Le nouveau parti démocrate dont rêvait François Hollande et l’ensemble de l’aile droite du PS sont bien en marche. Comme le disait Hollande dans le livre « Un Président ne devrait pas dire ça » : « Il faut un acte de liquidation. Il faut un hara-kiri. Il faut liquider le PS pour créer le parti du Progrès ».
Pendant ce temps, la France Insoumise continue sa campagne. Ce week-end avait lieu la grande émission du chiffrage du programme « l’Avenir en commun ». Nous sommes prêts, non seulement pour conquérir le pouvoir mais aussi pour l’exercer. Nous avons un programme, un chiffrage. Partout en France, déterminés, préparons activement la grande marche du 18 mars de Bastille à République !