Emmanuel Macron est le Mister Kaa de la politique. A l’image du python hypnotiseur du Livre de la Jungle, il aime à fixer de ses yeux bleus, ses interlocuteurs, et plus généralement les Français. Il ne murmure pas « aie confiance » mais c’est tout comme. Aie confiance en quoi ? Voilà bien la question. Emmanuel Macron n’a justement pas envie d’y répondre trop vite. Au moins le temps que sa tactique « attrape tout » lui permette de rapter une majorité à l’assemblée après avoir fait de même avec l’élection présidentielle.
Il faut dire que l’homme sait distiller des fausses pistes avec habileté, la complaisance des principaux médias faisant le reste. Un médiateur est nommé pour Notre Dame des Landes ? Voilà ces médias relayant que le projet est quasi abandonné sans que jamais le Président de la République n’ait prononcé ce mot. Le tout est qu’opposants et partisans puissent croire chacun à la victoire jusqu’au 18 juin et qu’ensuite le gouvernement ait les mains libres. Grâce à leur mobilisation, les salariés de GM&S à la Souterraine ont aussi profité de cette période d’entre-deux pour arracher le droit de croire au redémarrage de leur entreprise. Tant mieux et on espère pour le coup qu’elle soit pérenne. Au gouvernement, Nicolas Hulot ou Françoise Nyssen jouent aussi ce rôle d’amortisseur. Car sans eux il eut été difficile de caractériser le gouvernement Edouard Philippe autrement que comme de droite, voire très conservateur. Outre son premier Ministre, Bruno Lemaire, Gerald Darmanin ou encore Jean-Michel Blanquer, idéologue de la droite en matière d’éducation nationale depuis 10 ans, donnent le ton. La composition des cabinets ministériels est plus parlante encore. Ils sont truffés de réactionnaires et de libéraux. Deux exemples : Stéphane Fratacci, ex secrétaire général du ministère de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale de Nicolas Sarkozy rempile à l’Intérieur et Antoine Foucher, ancien directeur des relations sociales du Medef, devient directeur de cabinet de l’ex DRH de Danone, Muriel Pénicaud, rue de Grenelle. C’est eux qui sont chargés de la Loi Travail. Tout un programme. Celui de l’officine patronale.
Le Medef ne s’y est d’ailleurs pas trompé. Au point que Thibault Lanxade, son vice-président, se soit lâché par deux fois pour appeler les Français à donner une majorité au Président de la République lundi sur France Inter. On a rarement vu l’officine patronale et ultra libérale de Pierre Gattaz donner des consignes aussi claires. Elles ne gênent évidemment pas Emmanuel Macron. Pourtant, il n’avait pas de mots assez durs en janvier dernier dans le Parisien pour tâcler les syndicats « trop politiques ». Mais il s’agissait de ceux qui avaient eu le mauvais goût de protester contre la loi qui porte son nom et celle dite El Khomri, et non pas ses amis de la rue Pierre de Serbie.
Nous voilà donc prévenus. Une fois les sourires de façade électorale passés, c’est un gouvernement de combat qui veut se mettre au travail avec pour hors d’œuvre les ordonnances estivales sur une loi travail aggravée. Le reste, dérégulation, baisse des recettes, austérité, sera à l’avenant et correspondra parfaitement aux désidératas de Mme Merkel. Car avec des Eurobéats convaincus comme Sylvie Goulard au Ministère des armées, rien que le nom est tout un programme belliciste, c’est bien la revanche des battus du référendum de 2005 sur le TCE sur le peuple qui est à l’ordre du jour.
Il reste deux semaines de campagne. Deux semaines pour montrer que derrière le masque de Macron, se cache le Medef et au final la politique passée que les Français ont si puissamment rejeté en mai dernier en humiliant le PS et en affaiblissant LR. Deux semaines pour convaincre qu’une autre majorité autour de France Insoumise est à portée d’urne. Deux semaines pour stopper le programme de M. Macron en le privant de majorité. Ce véritable 3ème tour des Présidentielles sera décisif pour le pays.