Après avoir refusé de répondre aux questions sur les ventes d’armes à l’Arabie Saoudite, E. Macron a décrété hier : « c’est de la pure démagogie de dire “il faut arrêter de vendre des armes”, ça n’a rien à voir avec l’affaire Khashoggi », du nom du journaliste assassiné le 2 octobre, vraisemblablement sur ordre du prince héritier saoudien. Macron aurait finalement dû garder le silence, tant cette déclaration donne la nausée.
Il est mensonger de nier que le sentiment d’impunité donné à l’Arabie Saoudite, en continuant par exemple à lui vendre des armes alors qu’elle martyrise le peuple yéménite, a pu inciter le prince héritier à faire ou laisser assassiner un journaliste critique du régime.
Il est abject d’occulter que les appels à cesser les ventes d’armes à l’Arabie Saoudite remontent, bien avant la mort de Jamal Khashoggi, aux constats des crimes perpétrés par la coalition dirigée par les saoudiens. La guerre qu’elle mène depuis 2015 a tué entre 10 et 50 000 personnes, majoritairement femmes et enfants, et entraîné la pire crise humanitaire du monde selon l’ONU. En vertu du Traité sur le commerce des armes qu’elle a ratifié en 2014, la France aurait d’ores et déjà dû cesser de livrer des armes et munitions aux belligérants. Comme l’ont rappelé à plusieurs reprises les députés de tous bords dénonçant le blocage de l’enquête parlementaire sur cette affaire.
Enfin, cette déclaration ne saurait masquer les impasses des choix internationaux de Macron et de ses prédécesseurs, en matière notamment de « lutte contre le terrorisme ». Comment peut-on accepter que Riyad fournisse un tiers du budget de la force « G5 Sahel » alors que ce même pays a essaimé dans toute la région sahélienne des écoles coraniques étrangères à l’histoire de l’islam africain, et dont l’enseignement a été un des facteurs de la progression des djihadistes ?
Hier, E. Macron n’a donc pas seulement insulté la mémoire des victimes du régime saoudien au Yémen et ailleurs. Il a manqué une occasion de proposer une autre vision pour l’action internationale de la France, basée notamment sur l’indépendance au service de la paix et de la sécurité collective, et le refus de toute forme d’inféodation à des intérêts étrangers et de toute trahison des principes de la République sur l’autel de l’affairisme.
Théophile Malo