Emmanuel Macron a annoncé hier que la France allait adopter la définition de l’antisémitisme portée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA). Cette définition « élargie à l’antisionisme » ne sera pas inscrite dans le code pénal et n’empêchera pas selon le Président « de critiquer la politique du gouvernement israélien ».
Les défenseurs de la liberté d’expression ont toutes les raisons de penser le contraire.
Cette définition est le pur produit du gouvernement israélien qui, au lendemain de la guerre de 2015 contre la population de Gaza, massivement condamnée par l’opinion mondiale, a relancé via l’IHRA la promotion d’une définition de l’antisémitisme dissuadant toute critique de la politique d’Israël.
Cette nouvelle définition ne vise pas prioritairement à lutter contre l’antisémitisme, c’est-à-dire le racisme dirigé contre les juifs en tant que juifs. Ce dernier doit être combattu sans relâche avec la plus grande force. Les autorités peuvent pour ce faire utiliser l’arsenal juridique déjà existant, qui permet également de combattre ceux qui, sous couvert de critique de la politique d’Israël, profèrent des propos ou commettent des actes antisémites.
L’offensive idéologique endossée par E. Macron hier vise en réalité, de fait, à discréditer la solidarité avec les Palestiniens et avec les victimes israéliennes de la politique de leur gouvernement de droite et d’extrême droite. Si officiellement la définition floue de l’antisémitisme de l’IHRA laisse la place à la critique de la politique israélienne, elle l’encadre au point de la rendre quasiment impossible sans risquer d’être taxé d’antisémite.
Un seul exemple : selon les déclinaisons pratiques accolées par l’IHRA à sa définition, dénoncer la Loi « Israël État-nation du peuple Juif », qui a officialisé en juillet 2018 l’inégalité juridique entre israéliens juifs et israéliens non juifs (https://www.lepartidegauche.fr/israel-legalise-le-racisme/), peut exposer à se faire taxer d’antisémite. Alors même que cette loi a été dénoncée comme raciste par l’opposition israélienne, et comme « dangereuse » par le Président d’Israël en personne…
A l’inverse, cette bataille idéologique reposant sur la disqualification de toute critique politique d’Israël n’empêche pas le chef du Gouvernement israélien B. Netanyahou d’afficher sa proximité « tactique » avec par exemple un Victor Orban qui, en Hongrie, n’a aucun problème à faire l’éloge de collaborateurs des nazis.
Ce simple fait suffit à démontrer que la définition inacceptable de l’antisémitisme produite par l’IHRA ne vise pas à lutter contre ce fléau. Il s’agit d’un outil de propagande et d’intimidation qui renforcera ceux qui veulent insuffler à tout propos le doute et la crainte d’être traité d’antisémite dans le débat public, comme cela se passe au Royaume Uni où l’adoption de cette définition a largement réduit de fait le champ de la liberté d’expression.
E. Macron ne porte pas là seulement un coup à la liberté d’expression en France. Il affaiblit encore un peu plus la crédibilité de notre pays dans la défense des droits des palestiniens sur la base des résolutions de l’ONU. Il insulte au moment où il a le plus besoin d’aide le « camp de la paix » en Israël, les ONG, les anciens soldats, les leaders politiques qualifiés de traîtres par l’extrême droite au pouvoir pour oser dénoncer la politique israélienne vis-à-vis de la Palestine. Il affaiblit enfin la lutte contre l’antisémitisme : en endossant de fait l’amalgame inacceptable et abject entre critique de la politique israélienne et antisémitisme, il renforce mécaniquement ceux qui, sous couvert de critiquer Israël, assouvissent leur haine des juifs.
Le Parti de Gauche ne se laissera pas impressionner. Il continuera à lutter contre l’antisémitisme avec clarté et abnégation. Tout comme il continuera à critiquer la politique du gouvernement israélien tant qu’il piétinera le droit international, qu’il bafouera les droits élémentaires du peuple palestiniens et, de plus en plus, ceux des opposants israéliens.