Non au projet de loi confortant le respect des principes de la République,
Non au fichage des Français selon leurs opinions,
Non au complotisme de gouvernement.
Le Parti de Gauche dénonce l’hypocrisie de ce projet de loi dont les appellations se sont succédé : « contre le communautarisme » « contre le séparatisme islamiste », « contre les séparatismes » enfin « confortant les principes de la République ». Ne nous y trompons pas : il ne s’agit pas de lutter contre le séparatisme des riches ou le communautarisme des serviteurs du CAC 40, mais bien de disqualifier pour mieux dominer et de stigmatiser une religion, à savoir l’islam, mais aussi de restreindre plus que jamais les libertés.
Dans leur formulation initiale (avant censure par le Conseil d’État) la plupart des articles montrent une volonté du gouvernement de hiérarchiser les éventuels délits en fonction de la notion de croyance, concept difficile à prouver, mais démontrant bien les présupposés idéologiques de ce gouvernement de droite extrême qui veut même introduire la notion fumeuse d’intention. Contrôle accru des préfets sur les maires, contrat d’engagement républicain imposé aux associations subventionnées, élargissement du pouvoir de dissolution d’associations suspectes de radicalisation, renforcement de la transparence des conditions de l’exercice du culte, scolarisation obligatoire dès l’âge de trois ans, création du délit de haine en ligne, etc. La jurisprudence est déjà très stricte sur la neutralité des services publics étendue aux délégataires ; quant au contrôle strict des associations il suffit de … la mettre en œuvre !
Certaines associations jouent en effet sur la loi 1901 et la loi 1905 et font du cultuel sous prétexte de culturel. Rappelons que le législateur a enfoncé un coin dans la loi de 1905 en autorisant l’église catholique à ne pas enregistrer ses associations cultuelles sous le même régime que les protestants ou les juifs, et en créant un régime dérogatoire juste pour elle en 1923, celui des associations diocésaines. Une brèche dans le principe originel dont les cultes plus récents ont profité, d’une certaine manière, puisque les associations destinées au culte musulman sont le plus souvent enregistrées sous le régime plus accommodant de la loi 1901.
Organiser leurs lieux de culte quels qu’ils soient sous le régime de la loi 1905, plus strict et plus contrôlé, tel devrait être l’objet d’une politique mettant en œuvre le principe de laïcité. Mais faire appliquer les lois existantes n’intéresse pas ce gouvernement qui, sous prétexte de s’en prendre à l’islamisme radical, donne l’impression aux musulmans d’être exclus ou rejetés.
Par ailleurs, ce projet de loi, qui porte le principe de précaution à un niveau jamais atteint relevant du fantasme et qui remet en cause quatre de nos grandes lois de liberté (1881 sur la liberté de la presse, 1882 sur l’instruction primaire obligatoire, 1905 sur la séparation des Eglises et de l’État, 1907 sur l’exercice public des cultes), confortera moins les principes républicains qu’il ne les affaiblira.
Rappelons que les décrets gouvernementaux récents (JO du 4 décembre 2020) entendent ficher les Français selon leurs opinions politiques, philosophiques ou religieuses, sous couvert de lutte antiterroriste. Une atteinte de plus à la liberté. Ces décrets modifient les dispositions du code de sécurité intérieure et, entre autres mesures, son article R 236-13 : alors que jusqu’ici les services de sécurité étaient autorisés à traiter informatiquement « les activités politiques, philosophiques, religieuses ou syndicales » des personnes susceptibles de porter atteinte à « la sécurité publique », ils étendent cette autorisation à ceux pouvant porter atteinte à la « sûreté de l’État ». Mais surtout, le traitement numérique des données peut maintenant porter non plus sur les « activités » mais sur « des opinions politiques, des convictions philosophiques, religieuses ou une appartenance syndicale ». Cette fois-ci c’est toute la gauche radicale et le syndicalisme d’opposition qui sont dans le collimateur de ce gouvernement de droite extrême.
Cette obsession de mise sous contrôle est patente avec le projet de loi actuellement au Sénat qui constitue une nouvelle étape, d’une exceptionnelle gravité, du processus de remise en cause des libertés et droits fondamentaux, à l’œuvre depuis de longues années dans notre pays. Le préambule de l’exposé des motifs vise la liberté de conscience et de conviction et la liberté associative en mettant sous surveillance les idées qui, s’introduisant dans « le débat public », « détourn(erai)ent le sens des mots, des choses, des valeurs et de la mesure ». Les articles 6 et suivants imposent une surveillance généralisée des associations et limitent les libertés des collectivités territoriales. Le contrat d’engagement républicain ouvre la voie dangereuse à un arbitraire administratif. Il pose une obligation nouvelle en rupture avec le climat de confiance nécessaire, encore plus en cette période de grave crise sanitaire et sociale.
En effet, le « contrat d’engagement républicain » et l’extension démesurée des possibilités de dissolution administrative sont les deux armes dont entend se munir le pouvoir exécutif contre les douze millions de citoyens engagés dans le mouvement associatif. Faut-il imposer aux associations de souscrire un pseudo-contrat d’engagement républicain pour percevoir des subventions publiques, alors même que l’article 10 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration prévoit déjà une convention de subvention ? Faut-il tordre le bras des associations pour les forcer à signer un engagement qui est en réalité une idéologie d’État et dont le contenu ne résultera pas de la loi mais du pouvoir réglementaire ? Faut-il étendre au-delà de la répression des actions des groupements armés le champ de la dissolution administrative des associations, au détriment de l’autorité judiciaire garante des libertés individuelles aux termes de l’article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958 ? Faut-il imputer aux associations comme personnes morales la responsabilité des actes répréhensibles de leurs membres ? À l’évidence non !
Car ce gouvernement s’arroge aujourd’hui le monopole du complotisme légitime, celui qui aujourd’hui fait de « l’islamisme » la matrice de tous les dangers qui « menacent la République ». L’heure est alors à la suspicion généralisée, à la dénonciation collective mais aussi personnelle, à l’excommunication universitaire, à la police de la pensée. Nous ne nions pas les tentatives d’instrumentalisation d’une partie des musulmans par des groupes salafistes extrémistes ou par des groupes motivés par des intérêts particuliers et dénonçons les violences commises au nom de quelque religion que ce soit. Mais cela n’autorise pas le gouvernement à se servir de ces dérives pour masquer ses défaillances et pour faire passer sa politique de répression.
Le mensonge des pouvoirs comme les défaillances gouvernementales ont démonétisé depuis quelque temps et gravement la parole publique.
Accepter l’évidence qu’il existe bien chez certains une haine anti musulmans en France, accepter l’évidence qu’il existe un racisme structurel (d’essence colonial/néocolonial) dans ce pays, accepter l’évidence de la violence de la domination masculine, accepter l’évidence d’une violence policière en croissance exponentielle, renouer avec l’évidence que le capitalisme est une logique de profit et qu’en temps de pandémie le capitalisme pharmaceutique se gave sur notre santé et sur nos angoisses, par tous les moyens, même la corruption et le mensonge. Tout ceci ils ne le peuvent, engoncés qu’ils sont dans leurs privilèges. La dénégation institutionnelle obstinée est devenue le marqueur des vérités structurelles. Ce complotisme de gouvernement nous enferme dans la soumission, la suspicion et le ressentiment. Or la quête de vérité de l’humanité est une quête de possibles et non de coupables.
À ce gouvernement qui, après avoir démontré son impéritie dans la gestion de la crise sanitaire (absence de stocks stratégiques de masques et de divers produits, destruction du service public de la santé, gestion aléatoire de la vaccination), s’avère incapable de prévoir et de planifier et agit dans le désordre et l’improvisation permanente.
À ce gouvernement qui, face à l’augmentation de la misère dans notre pays (deux millions de pauvres de plus en France en 2020 et une augmentation du taux de chômage au sens BIT (donc sous-estimé) qui atteint 8% à la fin du troisième trimestre soit 2,4 millions de chômeurs hors Mayotte), préfère désigner des boucs émissaires selon le vieux procédé bien connu plutôt que de prendre de vraies mesures de répartition des richesses et de s’attaquer au coût du capital.
À ce gouvernement qui n’est plus démocratique, qui préfère détourner l’attention en supprimant l’ENA pour la recréer immédiatement sous un autre nom et qui choisit ce moment difficile pour restreindre les libertés et imposer sa vision autoritaire et identitaire de notre pays.
À ce gouvernement qui feint d’ignorer que l’un des principaux facteurs incitant les individus à se regrouper avec d’autres membres de leur communauté pour s’engager dans des actions plus ou moins radicales, c’est la perception de discriminations et d’injustices. Mais Darmanin n’entend pas lutter contre les discriminations, il préfère réprimer.
À ce gouvernement qui s’en prend à de prétendues « dérives idéologiques dans les milieux universitaires » lorsqu’il est question d’intersectionnalité c’est-à-dire de penser ensemble des rapports sociaux de domination trop souvent séparés (comme le genre, la couleur, l’origine sociale) ; un contrôle des objets de recherche en sciences sociales, seul le sinistre sénateur McCarthy y avait pensé !
À ce gouvernement qui entend supprimer l’Observatoire de la laïcité, organisme indépendant auteur de nombreux rapports et recommandations, pour le remplacer par des instances dépendant du politique.
À ce gouvernement qui n’a plus d’autre recours possible que les violences policières pour imposer sa politique rétrograde uniquement au service des premiers de cordée du grand capital.
Nous opposons une alternative de rupture !
Nous sommes les vrais défenseurs de la liberté et nous prétendons sortir de ce complotisme gouvernemental pour revenir à cet « usage public de la raison » qui caractérisait l’espace public moderne né au xviiie siècle.
Nous réaffirmons notre profond attachement aux grands principes qui fondent notre République – la liberté, l’égalité, la fraternité – avec pleinement les droits et les libertés qui en découlent, traduits dans nos textes constitutionnels, nos normes juridiques et nos engagements internationaux, et demandons le retrait de ce projet de loi.
Nous réaffirmons notre détermination à appliquer strictement la loi de 1905 et à supprimer les exceptions selon que l’on se trouve en Alsace-Moselle (où le concordat considère les évêques comme des cadres de la fonction publique de catégorie A) ou à Paris (où les aumôniers sont payés par l’État), ou encore en Guyane (où la rémunération des prêtres est assurée par les collectivités territoriales).
Nos propositions pour une VIe République écosocialiste que les lectrices/lecteurs trouveront sur ce site sont la seule vraie réponse à cette dérive de notre République pour qu’elle devienne ce qu’elle doit être : sociale et laïp