Alors que les prix de l’énergie flambent, que dix réacteurs nucléaires sur 56 sont à l’arrêt, le gouvernement, en pleine campagne présidentielle, a choisi de faire les poches d’EDF, au nom de la défense du pouvoir d’achat. L’opération pourrait coûter 8 milliards à l’entreprise publique, alors que l’urgence serait de financer le renouvellement et l’entretien du parc productif.
Le pouvoir s’était engagé à l’automne à ce que la hausse des tarifs régulés ne dépasse pas 4 %. Comprenant que le chèque de 100 euros distribué aux ménages les plus vulnérables ne pouvait suffire, le gouvernement a cherché d’autres dispositifs. Il aurait pu, comme cela a été fait en Espagne et en Allemagne notamment, abaisser la TVA sur les prix du gaz et de l’électricité, la ramenant de 20 % à 5,5 %, comme cela était le cas jusqu’en 2014. Il accepte seulement de se priver d’une taxe additionnelle payée sur les consommations d’électricité : celle-ci est ramenée de 22,5 euros sur le mégawatheure à 50 centimes. Ce qui représente un effort d’environ 5 à 6 milliards d’euros.
Mais, l’essentiel de la charge de ces mesures d’allègement en faveur des ménages est transféré à EDF.
La loi Nome adoptée en 2010 encadre précisément l’approvisionnement à prix réduit des fournisseurs alternatifs en électricité produite par le parc nucléaire français : ceux-ci ne peuvent pas obtenir plus de 100 térawatheures (TWh) par an. Le gouvernement entend que ceux-ci profitent de 20 TWh supplémentaires. Plus du tiers de la production d’électricité produite par l’électricien public va donc être mis à disposition de ses concurrents.
Maigre consolation pour EDF : l’entreprise publique, qui n’a jamais pu obtenir une hausse des prix de revente de son électricité, ne serait-ce que pour compenser l’inflation, depuis 2012, va pouvoir augmenter ses tarifs. De 42 euros le mégawatheure, ils vont passer à 46,2 euros, ce qui couvre à peine les coûts de production actuels du parc nucléaire. Cette augmentation insuffisante représente un manque à gagner de 5 milliards.
Pour les fournisseurs alternatifs (la plupart sont virtuels, ne paient pas d’impôts en France, n’investissent pas dans la production, usent d’un marketing trompeur et ne respectent pas les clauses de contrat, le tout sous l’œil indifférent de la Commission de Régulation de l’Energie) le cadeau est immense. Alors que le mégawatheure en France tourne autour de 250 euros –c’est actuellement le prix européen le plus élevé –, ils vont pouvoir bénéficier d’un approvisionnement à un prix inférieur de plus de 70 % à ceux du marché. Pour EDF, la charge est gigantesque. Car l’électricien public, comme tout producteur industriel, travaille à long terme. Il a déjà vendu l’essentiel de sa production pour 2022 ; il risque donc de devoir acheter de l’électricité au prix fort pour la revendre à perte à ses concurrents soit un coût de 3 milliards. C’est sans doute ce qui s’appelle la concurrence libre et non faussée.
L’augmentation de la part de l’électricité nucléaire produite par EDF pour les fournisseurs alternatifs n’est pas une mesure provisoire, pour faire face à l’urgence du moment. C’est une politique délibérée de Macron qui dès son passage au ministère de l’économie, n’a eu de cesse de trouver les moyens de contourner la loi Nome et de mettre l’ensemble du parc nucléaire d’EDF à disposition des intérêts privés, le public assumant tous les risques et tous les coûts. Ce grand dessein s’est retrouvé résumé dans le projet Hercule que Macron n’a pas pu imposer du fait des résistances à la fois européennes et internes à l’entreprise. Il y revient autrement, en grand saboteur du service public et cette fois en invoquant la défense du pouvoir d’achat des ménages.
Le Parti de Gauche soutient la mobilisation des agents EDF contre les décisions iniques du gouvernement et la casse programmée de leur entreprise.
Notre objectif étant de conforter et de développer les services publics, nous réclamons la socialisation immédiate d’EDF au même titre que celle de tous les domaines de l’énergie et des biens communs pour mener à bien la planification écologique.