Les frontières tuent
Le 24 juin dernier, 2000 migrants, déboulent du mont Gourougou avec des bâtons, des barres de fer, des sacs à dos remplis de pierres afin de pénétrer dans l’enclave espagnole de Melilla, au Maroc. Ils ne projettent pas d’escalader les grillages, mais plutôt de forcer le poste-frontière puis d’ouvrir les portes qui mènent à l’Europe. 37 migrants, majoritairement des Soudanais, seront sauvagement assassinés au pied de la clôture grillagée qui sépare Melilla de la ville marocaine de Nador. Ces migrants sont morts, selon l’ONG Human Right Watch, sous les coups « des forces de sécurité marocaines » qui lançaient des pierres et des grenades tandis que « la garde civile espagnole [tirait] des gaz lacrymogènes sur les hommes accrochés aux grillages ». Les équipes de secours n’ont pas été mobilisées tout de suite. Les migrants sont restés à terre, blessés, pendant plusieurs heures, en plein soleil. 133 migrants ont réussi à entrer à Melilla.
Les gouvernements espagnol et marocain font porter la responsabilité de ce drame aux « mafias » de passeurs, explication simpliste pour masquer leur responsabilité car au niveau de l’enclave de Melilla, les migrants n’ont pas besoin de passeurs pour ces voies-là. Ce drame a suscité la légitime colère et l’indignation de centaines de milliers de personnes de par le monde. L’ONU a même fustigé le Maroc et l’Espagne, les accusant d’un « usage excessif de la force ».
La Méditerranée, un cimetière pour les migrants
Ce drame s’ajoute aux milliers de noyades qui chaque année transforment un peu plus la mer Méditerranée en cimetière pour les migrants. 16 000 noyés entre 2012 et 2018. Malgré la diminution du nombre global des migrants, plus de 2 000 noyés en 2021, soit une augmentation de 40% par rapport à l’année précédente. En 2022 déjà plus de 600 victimes. Majoritairement abandonnés par les passeurs, souvent sur des navires sans moteur, les migrants ne peuvent qu’espérer être secourus par des navires européens. Mais leur calvaire n’est pas terminé pour autant. Parqués, traqués, renvoyés, ils découvrent que l’Europe n’est pas un nouvel Eldorado mais que l’Europe et ses États pratiquent une politique migratoire inhumaine. Ceux qu’on appelle communément « migrants » sont le plus souvent contraints de partir pour fuir, la misère, les guerres et le dérèglement climatique. Ils s’exilent et cherchent un refuge. La plupart peuvent être considérés comme des exilés et des réfugiés à qui il faut donner, après vérification, un statut et une place digne et humaine dans notre société.
Des tragédies imputables à la politique migratoire de l’Union Européenne
L’Union Européenne a développé une politique d’externalisation du contrôle de ses frontières, confiant à des pays autoritaires, tels que le Maroc ou la Turquie, le soin d’empêcher les migrants de pénétrer en Europe. Tous les moyens sont alors permis : chasse à l’homme, répression, incarcération.
Entre 2013 et 2020, le Maroc a reçu 200 millions d’euros pour mener cette politique ultra-répressive et le budget 2021-2027 prévoit de lui allouer des fonds conséquents pour « la gestion des frontières » : contrôle mais aussi retour et réadmission. Quant à la Turquie, autre pays au régime autoritaire qui, comme le Maroc, n’a que faire des droits de l’homme, elle a reçu 6 milliards d’euros pour garder, par la contrainte si besoin, toute personne se présentant aux frontières de l’Europe.
Alors qu’elle devrait définir et faire appliquer une politique claire concernant les migrations qui permettrait d’éviter ces milliers de morts, l’Union Européenne continue d’encourager, en finançant ces « pays boucliers », une terrible répression et la mafia des passeurs. Plus de 80% des migrants qui décèdent sur la route de l’espoir d’une vie meilleure meurent aux frontières de l’Europe.
Car l’UE n’a aucune volonté de lever ses contradictions
En ce moment, il y a une forte demande de main d’œuvre en Europe, due à une faible appétence pour des emplois mal payés et/ou à contraintes fortes et à un nouveau phénomène de démission qui concerne aussi de jeunes diplômés qui ne se reconnaissent plus dans une économie capitaliste productiviste et destructrice de l’environnement. Mais ouvrir des voies légales de migration pour le travail est politiquement très sensible pour des forces politiques de l’extrême centre et de l’extrême droite qui ont fait leur fonds de commerce du rejet de l’immigré. Donc rien ne bouge.
Autre contradiction, l’Union européenne soutient un certain nombre d’initiatives au Maroc pour aider l’accès des ressortissants de pays sub-sahariens aux droits et au marché du travail en fermant les yeux sur un racisme persistant hérité de vieilles traditions esclavagistes. L’UE préfère fermer les yeux sur les abus commis par le Maroc contre les migrants et les réfugiés, ceci étant la conséquence de cette odieuse politique d’externalisation du contrôle des frontières.
Une nouvelle politique doit être définie par l’UE afin de sortir de cette situation honteuse de maltraitance de personnes migrantes qui quelque soient leur motivations ont droit au respect et à un traitement humain. Les moyens financiers colossaux consacrés à FRONTEX et au paiement des pays profiteurs (Maroc, Turquie, Rwanda) seraient mieux utilisés pour organiser une vraie coopération répondant aux besoins des uns et des autres et conditionnée à un certain nombre d’engagements de part et d’autre. Les réfugiés victimes de guerre soit manifestes (Ukraine) soit larvées (Soudan, Syrie) doivent être traités selon les Conventions des Nations Unies. Les réfugiés climatiques n’ont pas un statut reconnu mais il est évident que leur nombre va s’accroître et nécessitera urgemment un règlement particulier. Quant aux migrants économiques, le courage politique, inexistant chez nos dirigeants actuels, voudrait que des règles claires soient définies quant à l’acceptation de leur dossier. Pour cela, il convient de tenir notamment compte des besoins de notre économie, tout en évitant une politique de pillage des compétences humaines et professionnelles au détriment des pays du Sud. Un système souple permettant une régulation basée sur une certaine ouverture, y compris des allers-retours programmés, permettrait une respiration salutaire pour tous les acteurs.
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Le Parti de Gauche demande l’ouverture d’une enquête internationale sur ce qui semble être le plus grand massacre de migrants sud-sahariens et exige que les autorités marocaines qui se sont dépêché de creuser des tombes au cimetière de Sidi Salem dans les faubourgs de Nador, fassent le nécessaire pour préserver les corps, de manière digne et appropriée, afin de permettre d’effectuer des autopsies, de vérifier les causes des décès, d’informer les familles et après enquête, de remettre les corps aux familles.
Le Parti de Gauche réaffirme que les principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu soient respectés par les garde-frontières, et que les principes de respect de la dignité humaine s’appliquent aussi aux migrants. La Cour européenne des droits de l’homme a d’ailleurs affirmé clairement, que si les États sont fondés à prendre des mesures pour empêcher les entrées non autorisées sur leur territoire, y compris le recours à la force, la nécessité de contrôler les frontières ne peut justifier le recours à des pratiques ou à l’usage de la force d’une manière qui constitue une violation des droits humains, y compris le droit à la vie et le droit de ne pas subir de traitement inhumain ou dégradant.
Le Parti de Gauche déclare que le gouvernement français et l’UE ont une lourde responsabilité d’une part dans la remise à plat des relations avec les pays africains (en finir avec le soutien aux dictateurs et gouverneurs aux ordres, donner une entière souveraineté sécuritaire, économique et monétaire aux pays libérés de leurs chaînes, en finir avec un néo-colonialisme donneur de leçons) pour créer enfin ! les conditions d’une relation équilibrée respectueuse des cultures, d’autre part dans la définition d’une politique de migration réaliste.