Elisabeth Borne lors de son discours de politique générale avait annoncé une prétendue renationalisation d’EDF. 30 ans de libéralisation et privatisation imposées par l’Union européenne et ses directives du paquet énergie ont mené, avec la complicité de son haut management, à la destruction d’EDF et du secteur électrique en général. D’exportatrice d’électricité, la France est devenue importatrice. D’un kwh de l’électricité au prix maitrisé et au cœur de la compétitivité productive d’un grand pays industriel, nous sommes passés à la spéculation, la flambée des prix, et surtout la pénurie.
C’est bien dans ce contexte, aggravé par la guerre Russie/Ukraine et ses conséquences en termes de crise énergétique, que doit être entendue cette annonce. Il s’agit d’une pure recapitalisation (la part de l’État actuellement de 84 % devant monter à 100%) entreprise avec les impôts des Français afin de renflouer les caisses de l’entreprise publique dont l’endettement abyssal est majoritairement lié à la privatisation du marché de l’électricité. Ne soyons pas dupes ! D’une part, une nationalisation est en réalité interdite par Bruxelles, d’autre part, il ne s’agit pas ici d’une nationalisation, mais d’un simple rachat d’actions. Le statut de l’entreprise ne change absolument pas et EDF va rester une Société Anonyme comme l’exige l’UE alors qu’une nationalisation imposerait la création d’un EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial). Par ailleurs, la concurrence non libre et totalement faussée va continuer à faire ses ravages sur le marché de l’électricité, contre l’intérêt des usagers et de notre nation, mais dans le total intérêt du Kapital européen.
En réalité, cette pseudo-nationalisation est faite pour sauver le système de concurrence sur le marché de l’énergie, les entreprises privées de distribution alternatives et non pas EDF. Ces entreprises privées qui rançonnent les usagers devenus clients et ne doivent leur existence et leur survie que grâce à EDF. En effet, aucun opérateur privé ne produit de l’énergie, c’est donc grâce à la production publique d’électricité d’EDF et notamment de ses centrales nucléaires, que ses concurrents privés peuvent revendre du KWH qui ne leur appartient pas. C’est dans ce cadre que l’UE a fait voter la loi NOME en France en 2010, loi léonine qui impose à EDF de céder à perte, 25% de sa production aux concurrents privés, qui eux la revendent en y appliquant leur marge. Dernièrement, le gouvernement Macron a même augmenté cette capacité de cession d’électricité d’EDF à ses concurrents pour maintenir artificiellement le marché de la concurrence dans l’énergie. EDF perd énormément d’argent dans ce processus, un peu plus de 10 milliards d’euros par an. Lors des 10 dernières années, ce sont 66 milliards d’euros qui sont allés dans les poches des actionnaires, au détriment, des agents, de l’investissement productif (dans la sécurisation des réseaux, dans le développement des énergies renouvelables et des moyens de stockage). Qui plus est, ce système est responsable de la précarité énergétique qui touche aujourd’hui 13 millions de Français.
Enfin, la situation économique d’EDF est catastrophique aujourd’hui. L’entreprise puissante créée par la loi de nationalisation de 1946 voulue par le CNR et portée par Marcel Paul, a été déconstruite, morcelée pour satisfaire les exigences de l’UE depuis 2004, année de l’ouverture à la concurrence. La production nucléaire du groupe EDF s’établit entre 280 et 300 térawattheures (TWh) pour l’année 2022. C’est un minimum historique ! Douze maintenances en cours résultent du phénomène de corrosion sous contrainte. Ce phénomène montre un endommagement de l’acier inoxydable qui compose la tuyauterie au niveau du circuit primaire. Celui-ci est lié à un mécanisme qui fait simultanément intervenir le matériau et ses caractéristiques intrinsèques, les sollicitations mécaniques auxquelles il est soumis et la nature du fluide qui y circule. Il se caractérise par de fines fissurations du métal. Les expertises menées permettent d’affirmer d’évaluer le risque et de mettre en conformité les tuyauteries concernées. Dix-huit maintenances en cours ont trait soit au rechargement du réacteur, soit à une visite décennale, soit à l’anticipation du programme Grand Carénage.
Mais la Première Ministre Elisabeth Borne « presse EDF de redémarrer à temps les réacteurs à l’arrêt » en forme d’injonction, inacceptable vis-à-vis d’EDF et de l’ASN responsable de la sûreté. Et l’ineffable Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, a le culot de déclarer qu’EDF s’est engagée à redémarrer tous les réacteurs pour cet hiver. La ministre nous parle de sobriété énergétique, de décarbonations, tout en expliquant que l’augmentation des usages de l’électricité nécessite une augmentation des volumes d’électricité d’origine nucléaire, reniant ainsi l’engagement gouvernemental de limiter à 50% la production d’électricité d’origine nucléaire. La seule solution que la ministre a proposée pour réduire de 10% notre consommation d’énergie à l’horizon est de généraliser l’interdiction des publicités lumineuses entre 1 heure et 6 heures du matin, quelle que soit la taille de la ville (une décision déjà prise précédemment) et d’interdire aux magasins d’avoir leurs portes ouvertes alors que la climatisation ou le chauffage fonctionne !
Le scénario gouvernemental est proche du scenario » N03 » de Réseau de transport d’électricité (RTE) qui conduit à construire au moins quatorze EPR et peut-être trois EPR supplémentaires s’il n’est pas possible de prolonger les réacteurs existants au-delà de soixante ans ; neuf EPR si la consommation d’électricité augmente plus fortement, compte tenu de la ré-industrialisation du pays. Mais la ministre n’a pas d’informations sur le plan de financement « l’idée est toutefois de rechercher un financement public-privé solide, qui s’inscrive dans la durée ». Quant à l’Arenh (Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique), la ministre persiste en déclarant que le nombre d’acteurs ayant accès à ces tarifs va augmenter et que le plafond va en devenir mobile en fonction de la réalité de la production de l’énergie nucléaire. La volonté de couler EDF en tant qu’entreprise publique intégrée est ici clairement exprimée.
Si on ajoute à ce tableau la disparition annoncée, au 1er juillet 2022, d’une partie de l’aide accordée par l’Agence nationale de l’habitat (Anah) aux propriétaires occupants modestes pour la rénovation énergétique de leur logement, sachant que ces ménages sont particulièrement touchés par l’augmentation des prix de l’énergie et par l’inflation, on ne peut que constater que ce gouvernement ne veut rien comprendre de ce que serait une vraie transition énergétique. Plutôt que de chercher à financer environ 60 milliards d’euros pour le Grand Carénage et 60 milliards d’euros pour les nouveaux EPR (European Pressurized Reactors, réacteurs pressurisés européens), dont Flamanville, c’est-à-dire dans une technologie non maitrisée et extrêmement coûteuse issue des délires de toujours plus de puissance des technocrates, il serait urgemment préférable de trouver un chemin raisonnable permettant de concilier efficacité énergétique, économies d’énergie, changement radical de mode de vie, et recours aux énergies renouvelables.
Le Parti de Gauche dénonce cet enfumage gouvernemental visant poursuivre sous une autre nom le projet Hercule que les agents ont réussi à contrer grâce à une mobilisation de presque 2 ans et propose la re-nationalisation/socialisation complète dans un monopole public de l’énergie placé sous contrôle de l’ensemble des parties prenantes, seule solution capable de satisfaire les besoins du pays en électricité à prix bas tout en respectant les nouvelles exigences environnementales et donc de mener à bien la transition énergétique.« Nous vivons la fin de ce qui pouvait apparaître comme une abondance », « Nous sommes entrés dans une économie de guerre » déclare Macron, plus imbu de sa personne que jamais et qui ne gouverne plus qu’en contournant le parlement par Conseils de défense interposés.
En fait de guerre, c’est contre le peuple qu’il la livre. Nous saurons l’en empêcher.