Un rapport récent IRES/CLERSE « un capitalisme sous perfusion » attire notre attention sur le scandale des aides aux entreprises. Nous en reprenons ici les principales conclusions.
La pandémie apparue à l’hiver 2019-2020 a souligné avec une acuité spectaculaire le rôle des aides publiques pour maintenir sur pied les entreprises face à la mise en arrêt artificiel de l’activité. Mais les aides aux entreprises sont une pratique ancienne. Alors qu’elles oscillaient en moyenne autour de 30 milliards d’euros par an dans les années 1990, elles représentaient un montant de plus de 100 milliards d’euros par an dès 2008, et culminaient à 157 milliards en 2019, avant même la mise en œuvre du « quoi qu’il en coûte ». Elles sont constituées de trois composantes : les dépenses fiscales (avec notamment depuis 2013 le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et le crédit d’impôt recherche), les dépenses socio-fiscales (exonérations de cotisations sociales employeurs) et les dépenses budgétaires de subvention et d’aide à l’investissement.
Ce total a plus que doublé depuis le début des années 2000, passant de l’équivalent de 3 à 6,44 % du PIB en 2019 (avant donc les mesures d’urgence prises durant la crise sanitaire, celles-ci constituant plutôt, à ce stade, un soutien de type « conjoncturel »). Rapportées au budget de l’État central, ces dépenses (y compris les dépenses socio-fiscales qui en dépassent logiquement le champ) représentaient l’équivalent de plus de 30 % des dépenses budgétaires en 2019.
Mises en place selon des arguments en termes de compétitivité, d’emploi, d’investissement ou d’innovation, il y a de sérieux doutes sur la pertinence de ces mesures qui n’ont pas empêché notre pays de devenir le plus désindustrialisé en Europe. Ces politiques peuvent entraîner des effets d’accoutumance et de dépendance pour les entreprises, avec un coût permanent pour les finances publiques et sociales. En effet, la substitution entre le capital et le travail sensée faire baisser les coûts du travail, signifie dans la réalité empirique, une baisse de l’incitation à investir dans du capital productif et une baisse des coûts qui se traduit par une hausse des marges et une très improbable baisse des prix des secteurs exportateurs.
Mais surtout, ces aides s’accompagnent trop peu de contreparties (par exemple en termes d’investissement productif), comparativement à la dépense publique directe et il est possible de s’interroger sur la conditionnalité des aides publiques aux entreprises, en particulier l’application de critères sociaux et/ou environnementaux. Enfin, l’échec de ces mesures est signé par la non-atteinte des objectifs fixés en termes d’emplois.
L’innovation est davantage au rendez-vous quand l’État investit lui-même que lorsqu’il se contente d’essayer d’inciter les entreprises à innover.
Une politique budgétaire de dépense publique directe vaut mieux, sur le plan macroéconomique, que les politiques de « baisse des coûts ».
Le Parti de gauche veut une politique budgétaire poursuivie sur le long terme consistant à relancer la commande publique adressée aux entreprises privées, à l’ESS ou aux administrations publiques, en vue de produire des biens collectifs nouveaux, en assumant un financement intégral préalable par l’emprunt.
Le Parti de gauche veut sortir de la logique des aides aux entreprises au profit d’arbitrages en termes de conditions et de choix de trajectoire économique au service de l’intérêt général. Le montant des aides aux entreprises peut être redéployé vers d’autres types d’interventions publiques (consolidation ou production de nouveaux services publics, politiques de demande ciblées, réduction du temps de travail, transferts sociaux, etc.) mais encore plus clairement vers les objectifs de rupture des modèles industriels et agricoles et de façon générale vers les objectifs de la transition économique, sociale et environnementale, pour en accélérer considérablement le rythme.