L’an dernier, 93 départements ont connu des restrictions d’eau et 700 communes ont été privées durablement d’eau potable. Macron a donc proposé un Plan Eau visant à redéfinir la politique de gestion de l’eau pour l’adapter aux enjeux du changement climatique, avec pour but de faire d’ici 2030 10 % d’économie d’eau dans tous les secteurs.
Rappelons qu’en 2019, lors des Assises de l’eau, le gouvernement s’était déjà engagé à diminuer les prélèvements dans les milieux, les nappes, les lacs, les rivières de 10 % d’ici à 2025 et de 25 % d’ici à 2035. De plus aucun bilan n’a été présenté de la précédente loi sur l’eau de 2006 et pour cause ! si peu a été fait !
Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a déclaré que « cet été (2022) n’est pas exceptionnel compte tenu du dérèglement climatique ». Ainsi, « nous aurons entre 10 et 40% d’eau en moins dans les années qui viennent ».
Comme réponse immédiate, Macron prévoit un gadget début mai à savoir un « Ecowatt de l’eau», similaire à celui en place pour l’électricité, « qui va permettre de responsabiliser chacun, car chaque geste compte ». En plus, un « plan de sobriété » sera demandé à chaque secteur (énergie, industrie, tourisme, agriculture…), d’ici à l’été.
Macron a aussi annoncé des investissements pour accompagner les territoires les plus vulnérables, c’est-à-dire les 2.000 communes fragiles qui ont manqué d’eau potable l’été dernier. Dans ce but, 180 millions d’euros supplémentaires seront mobilisés. Ils serviront également à aider les 170 points noirs, ces communes qui perdent plus de 50% de l’eau en raison de vétusté des lieux. Bref, ne nous attendons à aucune amélioration cet été !
Sur le moyen et long terme, les actions du Plan Eau vont s’organiser autour de 5 axes : inscrire la sobriété dans tous les usages et dans la durée, lutter contre les fuites et moderniser notre réseau, investir massivement dans la réutilisation des eaux usées, planifier les usages de l’eau et accompagner les transformations des filières très consommatrices, mettre en place une tarification progressive et incitative de l’eau.
A travers le premier axe, dédié à « la sobriété partout et dans la durée », l’exécutif entend d’une part investir pour réduire la consommation d’eau pour la production d’électricité, actuellement de 12%. «
Sur le nucléaire, on doit adapter nos centrales au changement climatique pour fonctionner beaucoup plus en circuit fermé », a-t-il énoncé, dénonçant le fait que « les centrales utilisent l’eau et la rejettent ce qui a un effet sur la température et joue sur le niveau dans la durée ».
Macron semble ignorer le fonctionnement des 44 réacteurs nucléaires situés au bord d’une rivière ou d’un fleuve : pour les refroidir en permanence EDF pompe 40 m3 par seconde en moyenne et l’eau est renvoyée dans la rivière plus chaude d’une dizaine de degrés, ce qui oblige EDF par temps de chaleur caniculaire à demander des dérogations… qui lui sont bien sûr accordées mettant ainsi en péril la biodiversité.
Equiper de tours auto-réfrigérantes, qui seraient de plus très gourmandes en eau, les trente réacteurs qui en sont dépourvus serait extrêmement coûteux et bloquerait trop longtemps la production.
Une fausse solution d’autant plus dommageable avec la construction voulue par Macron de nouveaux EPR.
Quant à l’hydroélectricité. « Nous devons adapter le rythme de nos barrages aux enjeux du climat ». L’objectif : définir dans chaque territoire les règles les plus adaptées aux différents usages et au partage de l’eau. Vient ensuite l’industrie. Les ministres devront, en effet, réunir les 50 sites industriels qui ont le plus grand potentiel de réduction d’eau. Bref une conception très limitée de la recherche de sobriété !
Deuxième axe, lutter contre les fuites et moderniser nos réseaux. Et pour cause, à l’échelle nationale, un litre sur cinq est perdu à cause des fuites, l’équivalent de la consommation annuelle d’environ 18 millions d’habitants. Un chiffre qui grimpe à un litre sur deux dans certains territoires.
Ainsi, les 180 millions d’euros mobilisés dans les communes en difficulté et ayant manqué d’eau potable l’été précédent, seront chaque année confirmés sans que l’on connaisse l’origine des fonds. Rappelons que les dispositions de la loi Grenelle II de 2010 en la matière n’ont donné que de piètres résultats.
La modernisation des réseaux doit aller de pair, selon Macron, avec « la généralisation des compteurs intelligents », des Linky de l’eau, pour « responsabiliser les usagers » quant à leur consommation.
Aujourd’hui, le taux de renouvellement des tuyauteries des eaux françaises est de 0,61 %. Il faudrait ainsi plus de 150 ans pour renouveler tout le réseau. En cause : un manque d’investissement chronique surtout de la part des entreprises qui gèrent la distribution d’eau pour 60 % de la population. Ces entreprises sont dans une logique marchande et ne réparent les réseaux que quand ça casse.
Bref, aucun effort demandé aux VEOLIA, SUEZ, SAUR et aucune incitation à créer des régies publiques qui elles renouvellent le réseau petit à petit plutôt que de ponctionner le consommateur. Rien sur l’artificialisation des terres.
Troisième axe : au-delà des eaux de pluie, il s’agit de récupérer les eaux usées pour qu’elles soient traitées et permettent de faire de grandes économies d’eau. Car, aujourd’hui, en France, moins de 1% de l’eau usée est retraitée pour être utilisée, quand d’autres pays parviennent à 10%, 15% ou encore 20%.
L’idée, récupérer l’eau qui sort des stations d’épuration pour arroser les champs ou les espaces verts, paraît ingénieuse mais laisse sceptique quand on sait qu’environ deux tiers des projets ne sont pas viables économiquement car il faut bien souvent des kilomètres de tuyaux pour apporter l’eau des stations vers les parcelles agricoles, avec de la pression, donc de l’énergie.
Et puis, les eaux usées sont généralement trop salées pour les cultures et demandent donc un traitement supplémentaire, qui peut être coûteux.
Bref, des solutions timides à portée limitée.
Le quatrième axe (et oui, seulement le quatrième alors que c’est le plus important !) concerne le monde agricole, très gourmand en eau pour sa production puisque le secteur absorbe près de 60 % des 4,1 milliards de mètres cubes annuels consommés en France.
En 2022, la sécheresse a entraîné des pertes de rendement de l’ordre de 30 % sur les céréales — en particulier pour le maïs — et de l’ordre de 25 % sur le fourrage. Selon un récent rapport sénatorial, « environ 20% des exploitations agricoles sont équipées d’un système d’irrigation (soit environ 75.000 irrigants) » et « 60% des surfaces irriguées concernent des productions de maïs ».
Macron a réaffirmé l’importance de l’irrigation et des stockages d’eau, comme les mégabassines . « La règle, c’est bien le partage de la ressource », a-t-il cependant indiqué, promouvant la « concertation ». Sauf que les outils actuellement en place, comme les projets de territoire pour la gestion de l’eau, sont bien souvent ignorés ou bafoués par les irrigants.
« Il faut tout faire pour réduire l’irrigation, mais étendre les surfaces irriguées », a insisté le président, en pariant sur des « solutions innovantes ».
Robotique, numérique, nouveaux OGM ? Les détails ne sont pas encore connus. Absurdité totale quand on sait qu’il faudrait plafonner les prélèvements, et faire une répartition équitable entre tous les paysans et surtout changer de modèle agricole avec de l’agroforesterie, des haies …
Absurdité totale quand on sait que le maïs représente 60 % des surfaces irriguées et sert essentiellement à nourrir nos animaux d’élevage. Aucune mesure contre l’élevage qui pollue énormément les eaux.
De quelle « sobriété à l’hectare » est-il question ? Il faudrait dit le Plan Eau favoriser le goutte à goutte ce qui satisfera les magasins de bricolage mais sera parfaitement inefficace. Pour faire évoluer le stockage de l’eau, un fonds de 30 millions d’euros sera déployé pour financer des techniques qui favorisent la recharge des nappes. Par ailleurs, les Agences de l’eau disposeront chaque année de 500 millions d’euros supplémentaires. Au-delà des économies, il faut également des plans d’adaptation des filières et des territoires.
Au moment où Macron présentait le Plan Eau dans les Alpes le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a affirmé devant la FNSEA à Angers : l’agriculture, n’aura pas à baisser ses prélèvements pour irriguer les cultures.
Bref, hors de question de gêner la FNSEA et de changer le modèle productiviste agricole, et hors de question de stopper les megabassines.
Dernier axe du plan : la mise en place d’une « tarification progressive et responsabilisante ». Les premiers mètres cubes seront facturés à un tarif peu élevé, proche du prix coûtant, ce tarif va ensuite s’élever pour les mètres cubes suivant, qualifiés de « consommation de confort ».
Dans le Nord, Dunkerque expérimente depuis dix ans un tel système. L’eau essentielle, l’eau utile et l’eau de confort. Entre ces trois tranches (les 80 premiers m³, de 80 à 200 m³ et puis au-delà), trois tarifs croissants. Un dispositif de justice sociale et écologique, qui peine à se répandre en France, même si de grandes métropoles, comme Montpellier, expérimentent ce système.
Bref, une bonne solution dont il est cependant permis de douter la rapidité et la rigueur de mise en œuvre.
En conclusion
Alors que l’agriculture est la première activité consommatrice d’eau en France avec 58% du total, (devant l’eau potable (26%), le refroidissement des centrales nucléaires (12%) et les usages industriels (4%)) rien n’est prévu dans ce plan Eau pour changer de modèle agricole .
L’eau n’est pourtant pas qu’un gisement à exploiter. C’est aussi une ressource et des écosystèmes à protéger. Or les milieux aquatiques — rivières, nappes, lacs —sont les grands oubliés du « plan Eau ». Ils auraient pourtant grand besoin d’un coup de pouce. Polluées, canalisées ou artificialisées, très peu de masses d’eau naturelles sont aujourd’hui en bon état.
Un plan Eau Macron, véritable catalogue de mesures très techno-solutionnistes destiné à satisfaire la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E). Un plan Eau Macron consistant à ré-étiqueter des mesures existant déjà et à nous promettre chartes et feuilles de route.
L’eau était autrefois l’affaire des maires dans des syndicats intercommunaux mais les regroupements de structures conduisent à dépolitiser l’eau et à en faire une affaire de techniciens. Cette dépossession laisse le champ libre aux sociétés privées adeptes de la fuite en avant technologique permettant d’éviter les remises en cause de l’usage de l’eau.
Reste la question du financement pour réaliser ce plan : or il y a un manque chronique de moyens, financiers et surtout humains pour appliquer les politiques environnementales.
Ponctionnées chaque année d’une partie de leurs revenus les Agences de l’eau ont également perdu près de 350 agents en dix ans soit 18% de leurs effectifs.
Le locataire de l’Élysée a annoncé 500 millions d’euros supplémentaires par an pour les Agences de l’eau devant générer un effet de levier de 6 milliards d’euros pour les travaux.
Les six Agences de l’eau prélèvent chaque année sur nos factures 2,2 milliards, l’Etat en pique environ 400 ; restent 1,8 sur lesquels sont ensuite imputés le financement de la biodiversité et les chasseurs. Macron va simplement arrêter les prélèvements indus et les Agences vont relever les redevances usagers. Une véritable arnaque !