ARGENTINE : El Loco arrive au pouvoir pour un massacre à la tronçonneuse
Javier Milei, candidat de l’ultra-droite populiste et libertarienne (Libertad Avanza) a été élu avec plus de 56 % des voix à la présidentielle du 19 novembre en Argentine, en tête dans 21 provinces sur 24. Il prendra ses fonctions le 10 décembre prochain.
Bien que sans parti structuré, il a bénéficié du ralliement des candidats de droite Bullrich et Macri. Javier Milei a devancé de plus de onze points son adversaire péroniste, le ministre de l’économie sortant, Sergio Massa, rassemblant pas moins de 14,5 millions de voix (sur 36 millions d’inscrit·es). C’est donc avant tout un vote radical de droite.
Son symbole de campagne la tronçonneuse annonce son programme. Il veut « tronçonner » les droits des femmes, les droits sociaux, les services publics ; à nier les violences sexuelles au pays du « piropo » insistant, à nier les inégalités (les femmes doivent travailler 8 jours et 10 heures de plus pour gagner la même chose en un mois et représentent 64 % des secteurs à faible revenu), à nier le changement climatique ; à privatiser à grande échelle, à dollariser l’économie et à autoriser le port d’armes. Fermement opposé à l’IVG, il se dit prêt à revenir sur la loi qui légalise l’avortement en Argentine depuis 2020, sur les droits de la communauté LGBT, et sur l’éducation sexuelle à l’école.
D’abord en « expert » des plateaux de télévision, puis en « influenceur » qui cartonne chez les jeunes, avec plus d’un million d’abonnés sur son compte TIK TOK, devenu sa tribune médiatique, il s’est ensuite positionné en « Messie », habité par la « mission divine de devenir président » tout en proférant une série de vives critiques à l’encontre du pape argentin François, accusé par des pans de la droite d’être trop progressiste. Il a capitalisé avec son histrionisme à la Trump un vote de colère, de rejet et d’indignation, un ras-le-bol généralisé dans une société accablée. Sa popularité s’appuie sur la déception suscitée par les deux forces politiques traditionnelles qui se sont succédé ces 20 dernières années, le péronisme-centre gauche et la droite, avec un bilan économique fatal menant à une dégradation des conditions de vie des Argentin.es. Une inflation de 648 % sous la présidence péroniste d’Alberto Fernández depuis 2019, des dévaluations du peso à répétition, et un taux de pauvreté en hausse, à 40,1 % de la population. « il ne peut y avoir de pire scénario que celui que nous avons » « je n’ai pas grand-chose à perdre » : voilà ce que dit la rue argentine.
C’est bien avec le péronisme que le peuple argentin a voulu tourner la page. Ce système incarné par Cristina Kirchner et Alberto Fernandez dans la dernière période a fait faillite car il s’est réclamé d’un populisme de gauche à la phraséologie populaire et séductrice mais… sans toucher aux structures mêmes du capitalisme et sans résoudre les urgences sociales, écologiques et démocratiques. L’espoir progressiste s’est donc transformé en désespoir réactionnaire.
Le candidat péroniste Sergio Massa n’a d’ailleurs pas hésité à user de promesses populistes de dernière minute : son « plan platita » (plan « argent de poche ») comportait des engagements variés, allant de l’allégement fiscal pour les PME à des primes pour les retraité.es et les chômeurs.es. Ce plan, qui comprenait quinze mesures différentes, aurait généré de nouvelles dépenses publiques et, par conséquent, un déficit accru – lequel, en Argentine, se traduirait probablement par une hausse de l’inflation, étant donné que son financement nécessiterait l’émission de monnaie supplémentaire. C’est-à-dire le contraire de ce que veut le peuple argentin.
Milei se revendique libertarien et généralement plus progressiste sur les questions de société, mais sa colistière pour la vice-présidence Victoria Villarruel porte l’héritage d’une famille impliquée dans la dictature militaire argentine (1976-1983). Son père a même pris part, à la fin des années 1980 à une rébellion contre le gouvernement démocratiquement élu de Raúl Alfonsín. Elle n’a jamais renié son attachement à cette période sombre de l’histoire argentine. Ses prises de position contre l’avortement et le mariage homosexuel, et en faveur du rétablissement de la conscription en Argentine se reflètent, de manière plus ou moins subtile, dans le discours de Milei.
Milei est le dernier avatar d’un mouvement de fond des droites extrêmes « anti-système » qui s’épanouissent dans les failles et incapacités des démocraties actuelles : style agressif, extravagant et télégénique, contre « le communisme » et/ou « le socialisme », capitalisant sur le mal-être d’une classe moyenne appauvrie « moi petit commerçant, indépendant, qui gagne peu, je gagne quasiment la même chose que des chômeurs qui bénéficient de plans sociaux» et bénéficiant d’une sous-estimation du risque de victoire.
Le Parti de Gauche considère cette victoire de l’ultra-droite en Argentine comme un avertissement sérieux aux mouvements populistes de gauche qui négligent les réelles aspirations du peuple et ne veulent pas rompre avec le capitalisme.