Pierre De Coubertin, alias le seigneur des anneaux, grand réactionnaire raciste et colonialiste, voulait « rebronzer la jeunesse, la race la nation française » en lui redonnant « une armature morale et corporelle » grâce à l’effort sportif.
De nos jours, Macron, grand promoteur de l’olympisme, président du vide et saigneur des français·es, demande à son nouveau premier ministre Attal de « mettre en œuvre le projet de réarmement et de régénération » qu’il a annoncé. Il veut instaurer une panoplie de mesures visant à « réarmer civiquement » le pays. Une « œuvre de temps long », qui doit à la fois répondre à « l’effondrement de la civilité » et à la « fragmentation croissante de la société ». Dans ses vœux il a souhaité une année de « détermination, de choix, de régénération, de fierté » et répété sept fois le mot réarmement. Il promet de « rétablir l’autorité partout où elle manque face aux incivilités et à la délinquance » et de « rétablir le niveau de nos élèves, l’autorité de nos professeurs, la force de notre enseignement laïc et républicain ». Tout cela grâce à … l’uniforme à l’école car il n’est évidemment pas question de donner les moyens nécessaires à un enseignement de qualité. Aurore Bergé sous son beau titre de « ministre des solidarités et des familles » voulait déjà imposer des travaux d’intérêt général aux « parents défaillants » et autres « pères déserteurs ».
Cette morale que Macron prétend laïque et républicaine n’est pas celle de Ferdinand Buisson, cofondateur en 1898 de la Ligue des droits de l’homme, qui rêvait d’une morale universelle fondée sur les idées d’humanité, de raison et de justice, incarnée par des instituteurs exemplaires et irréprochables et devant permettre à chaque élève de s’émanciper, en l’arrachant à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel, pour après faire un choix.
Non ! La morale à la Macron n’est pas une morale d’émancipation mais une morale de la seule remise au pas. Une morale inspirée du philosophe chrétien Gabriel Marcel via Paul Ricœur pour qui il faudrait se changer soi-même « avant de prétendre changer les autres et a fortiori l’ordre social ». Une rengaine pétainiste usée jusqu’à la corde par Bayrou et revisitée par Marine Le Pen qui en parle depuis au moins 2017. Un réarmement ouvrant la voie au droit du plus fort.
Quant à la régénération c’est encore pire puisqu’il s’agirait de la renaissance de ce qui était altéré, corrompu, décadent… dégénéré. Régénérer, c’est remédier, expurger ; c’est protéger à condition de soustraire. Mais cela devient rapidement épurer, se débarrasser de l’ennemi intérieur à débusquer pour construire un « ordre nouveau », un ordre qui ne régénère en rien mais qui fige et vitrifie. Il s’agit de nous culpabiliser sur nos conduites civiques et politiques antérieures. Il s’agit pour l’État, dans la pure tradition du juriste nazi Carl Schmitt, de garantir la capacité d’agir et de décider de la situation d’exception et d’identifier des minorités qui seront pourchassées et réprimées pour les empêcher de nuire.
Puisqu’il est question de Jeux Olympiques en cette année 2024, osons le rapprochement entre d’un côté les dépenses somptuaires engagées au profit… des organisateurs privés (un CIO très peu recommandable) et de l’autre l’expulsion des personnes SDF de la région Île-de-France, l’exploitation de travailleurs sans papiers sur les chantiers, la réquisition des logements étudiants du Crous ; tout cela au profit d’une caste de profiteurs profitant du haut parleur médiatique.
Le lien social est rompu. Prenons deux exemples : le logement et l’aide aux démunis.
Le nombre de personnes à la rue (y compris des enfants) et de personnes mal logées dans des logements passoires et indécents ou en attente de logement ne cesse d’augmenter faute d’une politique volontaire de construction de logements à loyer abordable : il faudrait construire ou remettre sur le marché 500.000 par an là où le ministère du logement en autorise 85.000.
Une personne sur deux en précarité alimentaire n’a pas recours à l’aide alimentaire par honte ou par ignorance soit 8% de la population. Le taux de non recours aux prestations sociales dû essentiellement à la complexité des démarches est de 30%. Car il s’agit de culpabiliser les pauvres en les accusant contre toute réalité de fraudes aux prestations sociales et ce qui devrait être source de sécurité devient source de méfiance et d’insécurité. L’élargissement de la pauvreté va de pair avec la diminution des moyens des acteurs de la solidarité et avec la destruction des services publics. Il s’agit de la même façon de culpabiliser les chômeuses et les chômeurs comme le font les nouvelles dispositions d’indemnisation du chômage et d’obtention du RSA.
Quant aux deux piliers de la socialisation à savoir l’enseignement et la santé, ils font l’objet d’une politique volontariste de casse du service public au profit du privé et du système assurantiel, donc de celles et ceux qui ont les moyens de payer.
Macron à travers ses glissements sémantiques et sa politique de casse sociale prépare le terrain pour l’extrême droite qui a besoin pour exister d’une situation désastreuse afin de justifier des temps d’exception propices aux mesures antidémocratiques. Alors peuvent s’imposer la régénération, le retour de la morale, le réarmement pour éteindre les Lumières.
Décidément leur morale n’est pas la notre ! Les Français.e.s n’ont pas besoin de réarmement civique et moral mais d’un réarmement de solidarité. Nous sommes les seules forces en mesure de nous opposer et de vaincre cette dérive fascisante extrêmement dangereuse.