Le bilan démographique annuel de l’Insee, paru le 16 janvier, confirme que la chute graduelle des naissances en France, observée depuis 2011, s’accélère. En 2014, on était à deux enfants par femme. En 2022, on était à 1,8. Puis tout à coup, il y a un décrochage de – 6,6 % : seulement 678 000 bébés sont nés en 2023.
Les principales causes de cette baisse de la natalité sont connues. Elle est liée sur le long terme à un changement profond des structures de la famille et à l’évolution des rapports femmes-hommes concernant les diplômes et les tâches ménagères. Concilier vie familiale et vie professionnelle a conduit les femmes à mener une double journée de travail ; les hommes s’intéressent certes davantage aux tâches familiales que par le passé mais insuffisamment ; les femmes sont devenues nettement plus diplômées que les hommes et pensent à juste titre que leur carrière compte aussi.
Mais n’est-il pas absurde de parler de « réarmement démographique » dans un pays dont la population augmente régulièrement, pour atteindre aujourd’hui 68,4 millions de personnes ? Car c’est bien le terme utilisé par Macron, pendant sa conférence de presse. Il veut « relancer la natalité » par un plan de « réarmement démographique » ; décidément une obsession chez lui que le réarmement (militaire, moral et maintenant démographique). En prétextant le déclin démographique, Macron ravive le débat nataliste, dont a toujours su profiter l’extrême droite. Et ce, au détriment de l’autonomie des femmes et d’une fécondité contrôlée. Une régression digne de l’entre-deux-guerres. Car depuis les années 1930, et surtout sous Pétain, avec le slogan « Travail, famille, patrie », la natalité est devenue un thème de droite et même d’extrême droite. Dès cette époque, c’était un moyen de dire qu’il faut faire des enfants et ne pas accepter d’immigré.es.
Macron s’inscrit pleinement dans cette tradition avec en plus le fantasme zemmouro-lepéniste du « grand remplacement » et de la haine du métissage. Il suit l’exemple d’Orbán qui préconise le retour des femmes au foyer pour sauver « la race blanche ». Pour le parti de l’ordre, le passage d’une fécondité « naturelle » à une fécondité contrôlée par les humains apparaît intolérable : l’individu peut alors imposer son point de vue à la société, alors que ce devrait être le contraire…
« La France sera aussi plus forte par la relance de sa natalité, a ainsi déclaré Macron. […] Après l’allongement du congé paternité, je crois profondément que la mise en place d’un nouveau congé de naissance sera un élément utile dans une telle stratégie. » Si les dispositifs de congé parental sont imparfaits et nécessitent des améliorations, la proposition présidentielle n’est pas présentée comme une avancée sociale ni une avancée féministe (il n’est d’ailleurs jamais question de crèches ou de maternelles dans son discours). Elle est axée sur la crainte du déclin démographique et la volonté de faire naître de futures forces de travail dans un pays « qui manque de travailleurs ».
Macron ne s’arrête pas là. « La natalité baisse aussi, parce que l’infertilité progresse. Et je parle là d’une forme de tabou du siècle […], l’infertilité masculine comme féminine a beaucoup progressé ces dernières années et fait souffrir beaucoup de couples. Un grand plan de lutte contre ce fléau sera engagé pour permettre ce réarmement démographique. » En parlant du « fléau de l’infertilité » il feint d’ignorer qu’en plus de la dégradation des conditions de vie des Français.es, l’une des causes principales est à relier aux perturbateurs endocriniens dégagés par les pollutions et le recours massif aux pesticides contre lesquels son gouvernement ne fait rien.
La dérive biopolitique présidentielle est patente. Macron s’affiche désormais sans fard comme étant le dépositaire d’une longue lignée française de conservatisme, traditionalisme et catholicisme éculés.
Le refus de prendre en considération l’apport de l’immigration le conduit à promouvoir une politique nataliste (du moins en paroles) alors que le manque d’efficacité des politiques natalistes est connu de par le monde.
Mais surtout, en tenant de tels propos, il nie la liberté des femmes de choisir d’avoir ou de ne pas avoir d’enfant. La natalité ne peut pas être une injonction et nous connaissons les dérives autoritaires et répressives envers les femmes que toute politique nataliste suscite. Les femmes doivent avoir leur liberté de choix !
Tout aussi grave est le refus de Macron d’entendre les causes profondes de cette baisse de la natalité. Ces causes, au-delà des conditions matérielles difficiles dans lesquelles vivent les Français.es, relèvent du manque d’espérance des jeunes dans l’avenir qui les attend dans un monde déréglé et ensauvagé par un capitalisme dévastateur. Seule une rupture écosocialiste basée sur une planification économique et écologique permettrait de mettre en œuvre une politique industrielle et une politique agricole susceptibles de recréer les conditions d’une espérance des jeunes en la Vie.
Pour la liberté des choix des femmes !
Pour une société ouverte laissant sa place à l’autre !
Pour une rupture d’avec les politiques réactionnaires !