Solidarité avec les agricultrices et agriculteurs en lutte pour un juste revenu et le respect de leurs conditions de vie
Les manifestations d’agriculteurs se multiplient depuis plusieurs semaines en France et en Europe. Réduction des pesticides, suppression de l’avantage fiscal sur le gazole non routier, négociation difficile avec les industriels, non respect de la loi Egalim de 2018 qui prévoit que le prix du lait payé par les entreprises tienne compte des coûts de production des éleveurs, indemnisations jugées « trop tardives » pour des filières en crise (viticulture, élevage), refus de Bruxelles de prolonger en 2024 la dérogation permettant de mettre en culture les terres en jachère (environ 4 % des terres agricoles), stratégie de la « ferme à la fourchette » qui vise à porter à 25 % la part de l’agriculture biologique, à l’horizon de 2030… Les revendications sont diverses face à des gouvernements incapables de gérer la transition vers une agriculture raisonnée en mesure de nourrir correctement et sainement la population. Car le vieux modèle productiviste ne fonctionne plus. Il ne permet même plus la souveraineté alimentaire puisque 60 % de la viande servie dans les collectivités provient hors de France.
L’inquiétude est aussi réelle envers la politique irresponsable de l’UE pour laquelle l’adhésion de l’Ukraine en guerre n’est pas évaluée selon ses capacités à atteindre les « standards » européens mais selon des considérations géopolitiques à chaud : une adhésion qui exploserait la Politique Agricole Commune (les subventions agricoles pour l’Ukraine sont estimées entre 70 et 90 milliards d’euros, ce qui aurait pour conséquence une réduction d’environ 20 % des subventions agricoles accordées aux États membres actuels de l’UE).
Ces mobilisations sont le symptôme d’une crise profonde de la rémunération et de la reconnaissance des paysan·nes. Ces mobilisations sont la conséquence directe des politiques économiques ultralibérales menées depuis plusieurs décennies par l’Etat et l’Union Européenne, en cogestion avec la FNSEA au niveau national et le COPA-COGECA au niveau européen. La raison profonde en est une absence de régulation et un système d’aide injuste. Il faut accompagner les agriculteurs dans cette évolution et non la remettre en cause à l’heure de la catastrophe climatique et de l’effondrement de la biodiversité, largement due au modèle agricole.
Les positions de la FNSEA qui refuse de remettre en question le modèle productiviste et dénonce les normes visant à engager une bifurcation écologique sont inacceptables. Car contrairement à ce qu’elle prétend, la problématique réelle est celle du revenu paysan, pas l’existence de normes. Supprimer des normes s’inscrit dans la logique de compétitivité prônée par la FNSEA, celle-là même qui sert par la suite à justifier la poursuite du libre-échange et la mise en concurrence des paysan·nes du monde entier.
En parallèle, l’extrême-droite instrumentalise les difficultés des agricultrices et agriculteurs, en leur faisant croire à une solution protectionniste via un repli nationaliste et excluant. Pourtant, l’Histoire nous l’a démontré à maintes reprises, l’extrême-droite n’est pas du côté des travailleuses et travailleurs de la terre et de l’avancée des droits sociaux. Encore récemment, la majorité du groupe parlementaire d’extrême droite au Parlement Européen a voté favorablement l’accord de libre-échange entre l’UE et la Nouvelle-Zélande.
Les néolibéraux n’ont eu de cesse de réduire le nombre de paysans en France de 1,6 million en 1982 à 400 000 en 2019 alors qu’il peut y avoir un million de paysans qui vivent bien de leur métier. Il faut installer des jeunes sur des exploitations viables, sécuriser leurs débouchés. Il faut éviter la concurrence déloyale, avec des produits (volailles ukrainiennes, viandes américaines, miels frelatés, fruits et légumes traités avec des produits interdits ici) que nous ne voudrions pas voir cultiver et élever chez nous, mais qui envahissent les linéaires de la grande distribution. La France, grande puissance agricole, ne doit plus dépendre d’importations pour sa sécurité alimentaire ! Non la racine du problème ne se trouve pas dans les normes environnementales mais dans l’accaparement des terres par des sociétés financières développant des pratiques agro-industrielles et promouvant une agriculture « high tech » sans paysans, avec des élevages industriels ruinant les petits éleveurs. Il faut au contraire sanctuariser le foncier agricole pour aider à l’installation de jeunes afin de combattre l’agrandissement illimité des exploitations.
La colère dans nos campagnes doit enfin entendue et suivie d’effets sur la question du revenu agricole. Aucun.e paysan.ne ne doit plus être conduit.e au suicide dans notre pays et ne doit se faire tuer parce qu’il/elle se bat pour vivre de son travail. Seule une volonté politique forte permettra de passer à une agriculture paysanne respectueuse de l’environnement et de la santé des agriculteurs. Mais pour cela, il faut renforcer les aides à l’installation des exploitations bios et renforcer les contrôles aux frontières européennes. Il faut urgemment simplifier la paperasse nécessaire pour faire vivre une exploitation. Il faut que le secteur agricole dispose de sa propre banque coopérative, c’est-à-dire d’un outil d’allocations des ressources qui ne dépende pas du secteur financier et qui gère la dette paysanne de façon humaine. Il faut un secteur autonome dans la distribution des productions agricoles, qualitative et en circuit court, au contraire des monopoles de la grande distribution qui mettent les paysans à genoux avec des fixations de prix bas.
Le Parti de Gauche condamne la violence de celles et ceux qui ne peuvent entendre la légitime révolte des paysan.nes et déplore le décès d’une agricultrice et sa fille en Ariège. Nos pensées vont vers son mari gravement blessé et à la famille.
Le Parti de Gauche demande l’arrêt définitif des négociations de l’accord de libre-échange UE-Mercosur, un moratoire sur tous les autres accords commerciaux en négociation et un réexamen de tous les accords en vigueur, concernant la concurrence déloyale engendrée par cette politique de libre-échange, y compris au sein de l’Union Européenne.
Le Parti de Gauche demande qu’une loi interdisant l’achat des produits agricoles français en-dessous de leur prix de revient soit promulguée selon le modèle de la loi espagnole sur les chaînes alimentaires.