Gabriel Attal entend « déverrouiller le secteur du logement, en butte à une crise inédite », « au moyen d’un « choc d’offre » avec une « expérimentation » visant à accélérer les procédures d’urbanisme. Les mêmes termes furent utilisés par Macron en 2017 avec en plus un objectif de création de 500 000 logements par an. Avec en plus une tromperie à savoir l’intégration du logement locatif intermédiaire aux quotas de logements sociaux imposés aux communes.
En ce début d’année 2024, le constat est celui d’un échec : 3000 enfants sont à la rue en France et 2,6 millions de Français.es sont actuellement en attente d’un logement social ! Comment pourrait-il en être autrement, avec un nombre d’agréments (niveau de production) de logements sociaux tombé en 2023 à son plus bas niveau depuis 2005 ? Plus globalement, le nombre de permis de construire s’est effondré de près de 24% en 2023, en France, par rapport à 2022, à environ 373 000, selon les données publiées par le ministère de la Transition écologique.
Le poids du logement ne cesse d’augmenter dans le budget des ménages : 27,8 % des dépenses en 2021 contre 20 % en 1990, et seulement 11 % dans les années 1960. En 2010, la part de l’effort public dans le domaine du logement était estimée à 2,2 % du PIB, en 2021 elle n’est plus que de 1,5 %. Il s’agit du chiffre le plus bas depuis que cette donnée existe (1984).
Le logement est aujourd’hui l’un des domaines où les inégalités et l’absence de mobilité sociale se font le plus sentir. Le dynamisme du marché des décennies passées a principalement profité aux propriétaires. Et depuis fin 2021, l’inflation et la hausse des taux d’intérêt rendent l’accès à la propriété plus difficile pour les classes « moyennes ». L’annonce du Premier ministre vise à les aider mais au détriment du logement social.
Car dans le même temps, pour les plus mal-logé.es, la politique alterne entre mesures d’urgence et rigueur budgétaire, accentuant la pression sur les bailleurs sociaux et diminuant les aides personnalisées au logement. Quant à celles et ceux qui sont à la rue nous savons que l’habitat d’urgence en hôtel est inadapté aux séjours à moyen et long termes: “les hôtels ne sont pas la solution ; vivre en hôtel ou à la rue invisibilise, détruit la dignité et isole” dit la LDH». La mise à l’abri à l’hôtel devait être une mesure temporaire, elle devient malheureusement une solution permanente pour de nombreuses familles.
Cette situation catastrophique résulte de décennies de désengagement financier de l’Etat : citons l’abandon de « l’aide à la pierre », la loi Boutin qui a abaissé le seuil de revenu maximum pour avoir droit au logement social et mis en place un régime de surloyer pour les personnes qui dépassent le seuil, la loi Elan qui appauvrit les bailleurs sociaux. A tout cela s’ajoutent l’augmentation des matières premières et la spéculation foncière.
Qui plus est, l’introduction de matériaux bio-sourcés est quasi absente dans la production de logements, ce qui fait reculer les performances thermiques des constructions et leur pérennité, et empêche la mise à disposition de nouveaux espaces de vie plus saine pour les habitant.es.
La volonté exprimée par Macron et reprise récemment par Attal de donner la main aux maires dans l’attribution des premiers logements sociaux construits sur leur commune engendre un nouveau risque d’arbitraire politique.
Actuellement, les logements sociaux sont attribués au travers d’une commission d’attribution des logements sociaux et d’examen de l’occupation des logements, au sein de laquelle siègent non seulement des représentants du bailleur social et un représentant de l’Etat, mais aussi des élus locaux comme le maire de la commune où sont implantés les logements et le représentant de l’EPCI (établissement public de coopération intercommunale). La proposition de loi déjà votée par le Sénat vise à faire du maire le président de cette commission, en octroyant aux édiles un droit de veto plutôt qu’une voix prépondérante en cas de partage des votes. Discrimination et préférence nationale en perspective !
Dans ce domaine, comme dans celui du travail, Macron est animé par la conviction que le marché, une fois débarrassé de l’intervention de l’État, règlera tous les problèmes et il préfère exacerber la concurrence des classes dites « moyennes » (mais en voie de paupérisation) avec les plus modestes plutôt que d’engager une vraie politique du logement pour toutes et tous.
L’urgence se résume, comme en 1954, à une décision de financement conséquent pour permettre à chacun.e de se loger.
La spéculation foncière doit être combattue par la sanctuarisation de grands espaces publics afin de construire des logements et par la réquisition des milliers de logements vides publics et institutionnels.
Il faut abolir les lois Boutin et Elan. Il faut financer la formation et créer de nouvelles filières et normes pour concrétiser la transition écologique dans le BTP. Seule une volonté politique forte et un rôle accru de l’Etat permettra de mettre fin à cette situation de pénurie entretenue qui grève le budget des Français.es au profit de quelques rentiers et spéculateurs.