L’Arcom est enfin recadrée !

Saisie par Reporters sans frontières (RSF) en 2021, qui lui demandait de mettre en demeure la chaîne CNews du groupe Canal+ pour manquement à ses obligations relatives à l’honnêteté, à l’indépendance et au pluralisme de l’information, la qualifiant de « média d’opinion », l’Arcom avait refusé de se pencher sur le cas de la chaîne. L’ONG de défense de la liberté de la presse avait alors saisi le Conseil d’État afin de forcer le régulateur indépendant à être « à la hauteur de son rôle ».

Le Conseil d’État vient de donner raison à RSF. Il « enjoint à l’Arcom de réexaminer dans un délai de six mois le respect par la chaîne CNews de ses obligations en matière de pluralisme et d’indépendance de l’information ». 

Pour la première fois, le Conseil d’État a estimé que le respect du pluralisme, pour une chaîne d’information, ne s’appréciait pas seulement au regard de la diversité des personnalités politiques invitées et à leur temps d’intervention, mais devait aussi tenir compte de la pluralité des courants de pensée représentés par « l’ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités ». Des chroniqueurs réguliers et éditorialistes dont les prises de position à l’antenne les situent le plus souvent à la droite radicale ou à l’extrême droite.

Le Conseil d’État dénonce « la focalisation excessive de CNews sur certains sujets », et estime « que l’Arcom doit s’assurer de l’indépendance de l’information au sein de la chaîne en tenant compte de l’ensemble de ses conditions de fonctionnement et des caractéristiques de sa programmation, et pas seulement à partir de la séquence d’un extrait d’un programme particulier ». Le Conseil d’État va même plus loin en déclarant : « l’information par le service n’est pas conforme à l’obligation d’indépendance vis-à-vis de l’actionnaire principal de sa maison-mère, tant au plan politique qu’au plan économique, comme en attestent divers témoignages et études ».

L’Arcom qui résulte de la fusion du CSA et d’HADOPI est une Autorité Publique Indépendante qui doit se porter garante de la liberté d’expression et du respect du temps de parole politique en période électorale. Indépendante ?  il est possible d’en douter : son président est en effet nommé par Macron. Sur 48200 alertes en 2022 l’Arcom a prononcé 9 sanctions ce qui est ridiculement bas quand on sait qu’en trois ans le gendarme de l’audiovisuel n’a jamais sévi contre CNews et ses émissions catho-tradi teintées d’extrême droite. Et ce, sous prétexte que la loi ne prévoit pas d’encadrement de l’expression des courants de pensée et d’opinions religieuses. L’Arcom, institution qui jusqu’ici a protégé les media les plus douteux est donc sérieusement recadrée.

Le Parti de Gauche salue la décision du Conseil d’État  face au dévoiement de l’information à des fins strictement politiques  et à la dérive des media bolloréens vers une société du commentaire orienté.

Le Parti de Gauche forme le vœu que le régulateur Arcom sera désormais à la hauteur des enjeux. Ce que nous aurons l’heur de vérifier prochainement à l’occasion du traitement égalitaire des prises de parole et interventions pour les prochaines élections européennes et lors de la réattribution/renouvellement des autorisations de quinze fréquences de la télévision numérique terrestre (TNT) en 2025.

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