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– 250 MILLIARDS ! Évaluation du hold-up sur les collectivités locales depuis 2012

Depuis 12 ans, les collectivités locales subissent une politique systématique et institutionnelle de baisse de leurs sources directes ou indirectes de financement. Ces politiques conduisent à l’asphyxie budgétaire et à de grandes difficultés financières des collectivités notamment en matière de service public.
La loi NOTRe de 2015 a fini d’affaiblir les départements pris en étau entre le développement des métropoles et des intercommunalités. Les logiques d’intercommunalité forcée, ajoutées aux dynamiques de métropolisation, ont accéléré et institutionnalisé la réduction drastique des dotations et compensations de l’État. Tout cela se fait au nom de la « mutualisation et de l’optimisation de la gestion de l’argent public ». Les clauses générales de compétences des départements et des régions ont progressivement été « remplacées » par l’obligation des collectivités de financer des dépenses prévues par la loi (cf. article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales), en plus de leurs dépenses obligatoires.
L’investissement local représente 70 % de l’investissement public. Mais le retrait de l’État a pour conséquence une extension des délégations de service public au profit des entreprises privées. Si l’État exprime publiquement sa volonté de conserver et garantir les fonctions centrales et régaliennes, il se défausse de plus en plus sur les collectivités locales dans des domaines qui sont les siens et qui garantissent la communauté légale comme « une et indivisible » et le principe d’égalité (éducation nationale, formation professionnelle, routes, extension des prérogatives des polices municipales…) avec très souvent des promesses de compensations jamais exécutées.
L’inégalité des financements au plan local des prérogatives nationales entraîne des situations inégalitaires sur l’accès aux mêmes droits et services publics sur l’ensemble du territoire national. Ces régressions mises bout à bout, créent de nouvelles charges pour les collectivités locales sans être compensées par l’État. Loin de là.

NON-COMPENSATION DES TRANSFERTS DE CHARGES AUX DÉPARTEMENTS (NOTAMMENT EN MATIÈRE D’ACTION SOCIALE)
La non compensation des mesures prises au niveau national dont la revalorisation des salaires de la fonction publique (hausse du point d’indice) pour faire face à l’inflation (hausse du prix de l’énergie, de l’alimentation …) pèse sur le budget des collectivités. C’est aussi le cas du fonds vert ou encore les évolutions législatives en matière d’éducation, de sécurité, …
À contre-courant du principe de compensation financière, les finances des CT vont de mal en pis. Un exemple départemental relatif à l’aide sociale est assez significatif : le RSA – qui a permis la « décentralisation » du RMI en 2003, pèse de plus en plus sur les budgets des collectivités territoriales. Les départements subissent l’augmentation du nombre de bénéficiaires des aides sociales dans ce contexte de crise.

SUPPRESSION DE TAXES ET IMPÔTS LOCAUX NON COMPENSÉE

Pour 80 % des contribuables, la taxe d’habitation a été supprimée en 2020 (après un allègement de 30 % en 2018 et de 65 % en 2019). Pour les 20 % des contribuables restants, l’allègement a été de 30 % en 2021 et de 65 % en 2022. En 2023, aucun foyer ne paie de taxe d’habitation en résidence principale.
Alors que la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) – qui a remplacé la taxe professionnelle – représente une recette importante pour les collectivités, elle sera progressivement supprimée jusqu’en 2027. La part régionale a, elle, déjà été amputée en 2021. Selon la Cour des comptes , en 2021, les départements ont reçu 3791 millions d’euros, les EPCI 5133 millions d’euros et les communes 643 millions d’euros (Cour des comptes, « Le financement des collectivités territoriales », octobre 2022, p.151). Il s’agit bien d’un détournement de l’impôt créé par le législateur pour le financement des collectivités, alors que la première partie du PLF pour 2023 a été imposée via le recours à l’article 49 alinéa 3.
Depuis 2023, le produit de la CVAE n’est plus reversé aux collectivités territoriales mais affecté au budget de l’État. Cette ressource a été remplacée par l’affectation d’une fraction de la TVA déterminée sur la base d’une moyenne de leur recette CVAE sur la période 2020-2023. Les collectivités ne contrôlent ni le taux ni l’assiette ni la pérennité puisque cela dépend aussi de la conjoncture économique et des rentrées de TVA.
En mars 2023, l’AMF alertait sur le fait que les montants théoriques de compensation pour 2023 ont été nettement inférieurs aux montants de CVAE, perçus sans cette réforme, soit un manque de 650 millions d’euros alors même que le Gouvernement s’était engagé à compenser à l’euro près : une situation qui pénalise surtout les communes. La perte cumulée s’élèverait elle à 1,3 milliards d’euros.
C’est encore un cadeau aux grandes entreprises qui coûte 12 milliards d’euros en 2024. Il devrait s’élever à 15 milliards d’euros en 2027.
Le versement du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), principale aide de l’État pour l’investissement local, permet aux collectivités de récupérer la TVA sur leurs dépenses d’investissement. Actuellement, il est versé très tardivement une ou deux années après la dépense.
En 2023, l’AMF alertait déjà sur la contraction de l’investissement dans les collectivités territoriales en raison de l’inflation et de la hausse des taux d’intérêts. Elles sont particulièrement vulnérabilisées : l’indice des prix des dépenses communales augmente bien plus rapidement que celui des prix au niveau national. Pour pallier ce problème, une réponse toute trouvée : l’austérité. Les collectivités, dont les compétences ne cessent de croître, sont invitées à diminuer leurs dépenses de fonctionnement (horaires d’accueil des administré·es réduits, réduction du nombre de fonctionnaires).
Par exemple, en Haute-Garonne, l’État n’a pas compensé les missions notamment sociales étendues pour le Conseil Départemental, et c’est en moyenne 250 millions d’euros par an qui manquent depuis 12 ans.

INFLATION / AUGMENTATION DES COÛTS ÉNERGÉTIQUES ET D’ÉQUIPEMENT
L’inflation globale est de 19.7 % (Insee) depuis 2012, mais la part de l’augmentation des coûts énergétiques et d’équipement représente beaucoup plus.
En effet, en 2022 les dépenses énergétiques directes ont augmenté de 27,3 %, et les dépenses alimentaires directes, de 14,4 %.
Les dépenses d’équipement des collectivités locales sont liées aux coûts dans deux secteurs importants : la construction et les travaux publics. Les prix de l’énergie, des matériaux et les coûts salariaux sont au coeur des fortes variations des coûts en général.
En 2021 et 2022, les dépenses d’équipement ont finalement progressé de 10,9 %, selon l’Observatoire des finances et de la gestion publique locale (OFGL).
La hausse des prix de l’énergie atteint jusqu’à 350 % pour les services publics locaux en 2023, selon l’évaluation de la Direction de l’information légale et administrative (DILA).

BAISSES DES DOTATIONS GLOBALES DE FONCTIONNEMENT (DGF)
En 2011, l’indexation sur l’inflation a été supprimée.
En 2017, c’est la part des DGF versées aux régions qui a été supprimée.
Entre 2012 et 2023, le volume des DGF est passé de 41,4 à 27 milliards.


DES MOYENS EN CONSTANTE BAISSE, DES BESOINS EN SERVICE PUBLIC DE PLUS EN PLUS IMPORTANTS

En multipliant le nombre d’habitant·es par département, pondéré par des coefficients sociaux spécifiques (RSA, différentes aides et allocations), avec les nouvelles missions en matière d’environnement, d’aménagement du territoire, de transports, on atteint plus de 100 milliards : rien que pour les départements.
Les baisses des DGF, la réduction ou suppression d’un certain nombre de fiscalités, les augmentations de tous ordres notamment sur l’énergie et la construction, contraignent les collectivités à puiser dans leurs capacités d’autofinancement et à recourir massivement à l’emprunt donc à la dette. Les régions, elles, voient leur épargne brute baisser de 12 % (rapport de la Cour des Comptes 2023).
La dette des collectivités territoriales est passée de 140 milliards en 2011 à 230 milliards en 2023 (Insee).
La paupérisation méthodique des collectivités locales et des politiques publiques constitue une atteinte manifeste au principe d’autonomie financière des collectivités territoriales et donc au principe constitutionnel de libre administration des collectivités. Cette captation des moyens pour mener des politiques de service public au plan local constitue bien le hold-up du siècle.
C’est à peu près 10 % d’un PIB annuel mais cela correspond aussi à 18 mois d’exonérations patronales, cadeaux et niches au Capital pour pouvoir récupérer ces 250 milliards.


ÉVALUATION POUR L’ENSEMBLE DES COLLECTIVITÉS LOCALES PERCUTÉES DANS CHAQUE RÉGION
(Communes, intercommunalités, métropoles, départements, régions)

AURA, 28.8 milliards d’€, population : 8 235 923 personnes
Bourgogne / Franche-Comté, 10.2 milliards d’€, population : 2 791 719 personnes
Bretagne, 11.6 milliards d’€, population : 3 453 023 personnes
Centre Val de Loire, 8.8 milliards d’€, population : 2 573 295 personnes
Corse, 1.3 milliards d’€, population : 355 528 personnes
DROM*, 7.8 milliards d’€, population : 2 230 472 personnes
Grand-Est, 19.2 milliards d’€, population : 5 568 711 personnes
Hauts de France, 23 milliards d’€, population : 5 983 823 personnes
IDF, 50.5 milliards d’€, population : 12 419 961 personnes
Normandie, 12.4 milliards d’€, population : 3 327 077 personnes
Nouvelle Aquitaine, 21.5 milliards d’€, population : 6 154 772 personnes
Occitanie, 22.6 milliards d’€, population : 6 154 729 personnes
PACA, 18.8 milliards d’€, population : 5 198 011 personnes
Pays de Loire, 13.5 milliards d’€, population : 3 926 389 personnes
TOTAL :  250 milliards d’€, population : 68 373 433 personnes

* À la Réunion, en Guyanne et à Mayotte, les dépenses liées aux RSA et RSO sont directement prises en charge par l’État

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