Travailleurs détachés : L’hypocrisie du gouvernement
Entre 2000 et 2011 le nombre de travailleurs détachés autorisés par une directive européenne de 1996 a été multiplié par 20 alors que pendant la même période le chômage augmentait. 350 000 personnes seraient concernées par ce statut aujourd’hui en France. Même la direction générale du Travail (DGT) reconnaît que cela n’a rien à voir avec la croissance qui reste morose. Le gouvernement se vante d’avoir obtenu à Bruxelles que chaque pays puisse pratiquer les contrôles de son choix pour lutter contre la fraude à la directive (les entreprises sont censées payer les salariés détachés au tarif en vigueur dans le pays de détachement et respecter les congés et conditions de travail de ce pays). Mais la Commission européenne se garde le droit de vérifier à posteriori que les mesures de contrôle sont proportionnées ! Lorsqu’on connaît le sens de la proportion ultra libérale de la Commission, il est à craindre que les mesures autorisées soient plus que limitées. La poursuite des donneurs d’ordre (l’entreprise qui a le marché et le délègue à des sous-traitants) ne sera obligatoire que dans le BTP et seulement pour le sous-traitant direct. Elle restera optionnelle dans les transports, l’agriculture et l’agroalimentaire.
La sous-traitance en cascade avec conditions de travail moyenâgeuses a donc encore de beaux jours devant elle. D’autant que les moyens de contrôle ne suivent pas. A l’heure de l’austérité budgétaire et de la casse de l’inspection du travail, les proclamations vertueuses du ministre du travail manquent de crédibilité. Le gouvernement français, peu avare de grandes déclarations à propos de la crise de l’agroalimentaire en Bretagne, n’a pas souhaité que ce secteur soit concerné par la responsabilité des donneurs d’ordre ! Les travailleurs licenciés des usines de Bretagne pourront donc dire merci à Michel Sapin quand des salariés embauchés dans d’autres pays viendront les remplacer, à moindre coût et surexploités par des patrons qui n’auront pas hésité à défiler dans les manifestations des bonnets rouges au cri de « vivre et travailler au pays ».
Mais pour cela il faut commencer par en finir avec la concurrence libre et non faussée et le dumping social et fiscal. Toutes choses qui ne peuvent se régler au niveau de la Bretagne pas plus qu’au niveau de quelque autre région et qui ne sont évidemment ni au programme des libéraux (l’UMP vient de ressortir toute la vulgate libérale antisociale) ni à celui de la social-démocratie. Martin Schulz, candidat de la social-démocratie européenne à la présidence de la Commission vient de faire cette découverte : « il est temps de reconnaître que les droits fondamentaux des travailleurs sont aussi importants que le principe de libre-circulation ». Pour lutter contre la concurrence entre salariés organisés par les traités européens, ce n’est pas d’une réorientation européenne dont nous avons besoin. C’est une rupture avec cette Europe et une refondation qui sont nécessaires. En attendant, il faut arrêter d’obéir à ces traités et organiser la résistance de tous les peuples de l’Union à ce libéralisme mortifère pour les êtres humains comme pour l’écosystème.