Une révolution confisquée, la paix internationale menacée

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En Ukraine, le nouveau gouvernement ne répond pas aux attentes des manifestants de Kiev : cet élan populaire revendiquant le droit de vivre décemment, dans un pays qui ne soit plus pillé par de puissants oligarques, corrompus et criminels. 

Les mouvements de gauche ukrainiens présents sur la place Maïdan soulignent l’importante teneur sociale et anti-oligarchique de la contestation, dans un pays où le salaire moyen est de 200€ et la retraite de 80€. A cette contestation se sont agrégés les partis politiques libéraux, beaucoup plus forts politiquement et constituant la seule opposition au pouvoir en place, au parlement. Dans leur sillage, les groupes néo-nazis, peu nombreux au départ mais très organisés, ont rapidement imposé par la force leur point de vue au détriment des revendications humaines et sociales.
Aujourd’hui, la nouvelle coalition trahit les attentes du peuple ukrainien. Elle se contente de remplacer des oligarques par d’autres oligarques à la tête des régions : Ihor Kolomoyskiy – gouverneur de la région de Dnepropetrovsk et Serhiy Taruta, gouverneur de la région de Donetsk, milliardaires à la tête de très grandes entreprises, sont les garants de l’emploi d’un très grands nombre de travailleurs. Ces conflits d’intérêts les mettent de facto dans une position de seigneurs de leurs régions, très mal perçue par les Ukrainiens. Les ministres proposés sont en grande partie des politiciens issus du bloc Notre Patrie, qui était au pouvoir après la révolution orange de 2004 et qui avait largement déçu à l’époque. Quatre postes-clés (vice-premier ministre, agriculture, sécurité nationale et procureur général) sont attribués au parti Svoboda (anciennement national-socialiste). La représentante de l’UE pour les affaires étrangères, Catherine Ashton, soutient cette coalition alors même que le parlement européen avait voté en 2012 la résolution suivante sur Svoboda: « les opinions racistes, antisémites et xénophobes sont contraires aux valeurs et principes fondamentaux de l’Union européenne et, par conséquent, [le parlement européen] invite les partis démocratiques siégeant à la Verkhovna Rada (Assemblée ukrainienne) à ne pas s’associer avec ce parti, ni à approuver ou former de coalition avec ce dernier. » Seuls deux postes ministériels sur vingt-sept (sports et culture et jeunesse) sont attribués à des personnes issues de la société civile.

Les nombreux morts de la place Maïdan ne méritent pas un tel cynisme. Il est à ce sujet important que toute la lumière soit faite sur les évènements tragiques de février. En effet, la fuite de la conversation authentifiée entre madame Ashton et le chef de la diplomatie estonienne, révélant le témoignage d’un médecin ukrainien qui signale que manifestants et forces de l’ordres ont été visés par les mêmes snipers (balles et signatures de tir identiques) demande une attention particulière de la communauté internationale.

Sur le plan des politiques économiques, ce gouvernement, qui se qualifie lui-même de « gouvernement kamikaze », prévient : « nous prendrons un certain nombre de mesures très impopulaires. » Un comble pour un gouvernement mis en place par une impulsion populaire ! Aujourd’hui, avec une note CCC, et un taux d’emprunt sur les marchés à 35%, l’Ukraine est à la merci des institutions financières. Le peuple ukrainien doit donc s’attendre à ce que les conditions liées au prêt par le FMI soient d’une dureté implacable pour le peuple, à l’image de ce qui s’est fait en Grèce. À l’inverse, il est à prévoir que l’on épargnera les oligarques dont la fortune s’est pourtant construite par le pillage du pays. Les intérêts de la finance internationale et des banques occidentales, auprès desquelles nombre de ces oligarques placent leurs fortunes, s’y opposent sans doute. Il faut noter aussi l’importance de la guerre énergétique que livrent les géants du secteur, le russe Gazprom et l’américain Chevron. Chevron, plusieurs fois impliqué dans des affaires graves (Irak, Nigeria, Equateur), a signé l’année dernière un contrat prévoyant un investissement de 350 millions de dollars pour l’exploitation du gaz de schiste dans l’ouest du territoire ukrainien. Un marché de dix milliards de dollars contre lequel s’étaient élevés de nombreux Ukrainiens, en raison de l’impact écologique désastreux de la fracturation hydraulique.

En ce qui concerne les libertés publiques et la politique étrangère, le nouveau gouvernement ukrainien multiplie les provocations vis à vis de la Russie mais aussi d’une large part de la population ukrainienne : course à l’adhésion à l’OTAN, abrogation de la loi permettant aux russophones d’utiliser leur langue dans les documents officiels de certaines régions, interdiction du parti communiste.

Ces agissements qui portent en eux le risque de nouvelles violences sont en grande mesure le résultat d’une guerre d’influence de puissances étrangères sur le territoire ukrainien. D’un côté, les autorités allemandes et américaines encouragent l’aventurisme du nouveau gouvernement ukrainien par le soutien sans réserve qu’elles lui manifestent. Par ailleurs, la Russie participe à l’escalade lorsque son armée encercle des bases ukrainiennes sur le territoire de Crimée sous prétexte de protéger ses ressortissants. Certes, les relations entre la Crimée russe pendant deux siècles et la Russie relèvent d’un espace culturel commun. Pour autant, Vladimir Poutine peut-il ignorer qu’un déploiement militaire de cette nature est une ingérence du type qu’il dénonce le reste du temps dans le monde lorsqu’il s’en produit a l’initiative des nord-américains ?

Résultat, un nationalisme mortifère gagne chaque jour du terrain en Ukraine. Cette exacerbation des nationalismes et le jeu trouble des ingérences étrangères sont le terreau sur lequel risquent de se développer de nouveaux heurts. Depuis la dislocation de la Yougoslavie nous savons que la guerre peut revenir sur le vieux continent. Nous avons déjà connu les enchaînements qui permettent à une étincelle de déclencher un incendie. L’escalade en Ukraine entre les Etats-Unis et la Russie contient un danger de guerre pour toute l’Europe. Militer pour la paix est une urgence. Elle oblige à n’épouser aucune surenchère et à se défier des campagnes médiatiques panurgiennes qui ont déjà servi a accompagner la guerre d’Irak, d’Afghanistan, de Lybie et de Syrie.

Le Parti de Gauche appelle donc à nouveau et avant tout à la paix, au respect des minorités du pays et à l’arrêt des ingérences étrangères.

Le Parti de Gauche appelle la France à refuser désormais toute velléité de l’OTAN, appuyée par l’UE ou pas, d’intégrer l’Ukraine.

Le Parti de Gauche affirme que le peuple ukrainien doit rester souverain et appelle à des élections libres sous contrôle de l’ONU. Il soutient la mobilisation du peuple ukrainien contre la nouvelle coalition oligarchique qui ne promet que l’austérité et attise les tensions nationalistes, linguistiques ou militaires.

Le Parti de Gauche invite également la communauté internationale à mener une véritable enquête sur le déroulement et les responsabilités des événements tragiques de février.